Le 24 juillet 2019
Exubérance plastique et récit chaotique résument cette expérience de Nicolas Roeg, l’un des cinéastes les plus déroutants de sa génération.
- Réalisateur : Nicolas Roeg
- Acteurs : Gene Hackman, Rutger Hauer, Theresa Russell
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 2h10mn
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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– Année de production : 1983
Résumé : 1925, au Canada. Jack McCann découvre un filon d’or et devient subitement l’un des hommes les plus riches du monde. Vingt ans plus tard, il vit reclus sur une île jamaïcaine, entouré d’une femme alcoolique et de proches qui convoitent son héritage...
Notre avis : Quelque part au fond de la montagne, un homme cherche. Il cherche la chose la plus simple et la plus classique que l’on puisse imaginer – de l’or. Ce n’est pas un doux dingue, à la manière de Chaplin dans La ruée vers l’or ; cet homme-là est plus proche de l’alchimiste que du pionnier, il a la folie des grands découvreurs et de ceux qui veulent creuser leur gloire de leurs propres mains. Et pourtant, cette quête-là trouve son terme dans les quinze premières minutes du film : à la violence d’un affrontement entre aventuriers, la cruauté d’un suicide, la sensualité bizarre d’un bordel succède aussitôt la découverte d’une caverne qui fera la fortune du héros. Cette découverte ne peut être que spectaculaire, démesurée ; elle donne lieu à une explosion de matière, un déluge de paillettes et de flots dorés qui envahit l’écran et laisse le héros suffoquer dans son accomplissement – la figure du film tout entier. Plus de trente ans après son heure de gloire – le très intriguant Ne vous retournez pas en 1973 et Eureka, dix ans plus tard –, Nicolas Roeg reste l’un des cinéastes les plus déroutants de sa génération. Si son style est marqué par l’exubérance du cinéma de genre des années 1970 – profusion du zoom, emploi d’un montage parallèle extrêmement cut, etc. –, l’invention visuelle qui caractérise ses films (Nicolas Roeg a d’abord été directeur de la photographie) et frôle les explorations de « matière pure » du cinéma expérimental tranche radicalement avec le caractère conventionnel du thriller ou du cinéma d’horreur. A certains égards, le cinéma de Roeg est le pendant anarchique des premières tentatives du jeune Michael Mann (celui du Solitaire ou du Dernier des Mohicans), brisant la narration pour introduire tout à coup le spectateur dans une dimension plastique quasi abstraite.
Le récit d’Eureka est assez confus, et il ne compte pas parmi les plus grandes réussites narratives de Roeg. Le point de vue est incertain, juxtaposant une histoire d’amour et une histoire d’argent sans réellement parvenir à lier les deux. Eureka prend ainsi la forme d’un film d’aventures, mais un film d’aventures étrange, mêlé à un polar dont les pièces se détacheraient au fur et à mesure au lieu de se reconstituer, comme si le genre dans lequel le film s’inscrivait était déjà un horizon lointain. De cette histoire coloniale d’argent et de malversations, on retient surtout un Gene Hackman obstiné, quelques grandes lignes thématiques (le dépassement de soi, la confiance accordée à autrui) et une luxuriance visuelle extrêmement réjouissante. Les moments les plus saisissants sont souvent des incartades hors de l’intrigue proprement dite – ou le développement anormalement long d’un épisode –, qu’il s’agisse de la découverte de la caverne d’or, d’une nuit de vaudou terrifiante et enivrante, ou encore d’une mise à mort relevant quasiment du rituel sorcier. L’exubérance du film a quelque chose de touchant aujourd’hui, dans cette audace particulière dont, paradoxalement, un certain cinéma contemporain nous a éloigné. Il est sain et sage de la redécouvrir.
Le DVD
Le film au centre ! C’est le mot d’ordre de cette édition, qui a soigné la copie mais moins les entournures...
Les suppléments
Un entretien avec le critique et historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret vient compléter le film. Instructif, mais très succinct, eu égard à l’importance de Roeg dans le cinéma de ces années...
Image
A film visuel, effort visuel conséquent : la copie est excellente, et rend justice à la colorimétrie particulière du film, permettant d’apprécier le travail de recherche plastique de Roeg.
Son
Deux pistes stéréo sont disponibles, 2.0 pour la V.O. sous-titrée et 1.0 pour la V.F., toutes deux bien mixées, et qui laissent apparaître la richesse du montage son...
– Sortie DVD : le 2 octobre 2012
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