Auschwitz mon amour
Le 14 mai 2008
En allant à la recherche du passé avec un regard contemporain, le réalisateur se questionne sur le devoir de mémoire et dessine sa propre identité, marquée par les horreurs du passé et l’envie de reconstruire. Une démarche louable qui manque toutefois de la profondeur qui aurait pu (et dû !) en faire un métrage inoubliable.
- Réalisateur : Robert Thalheim
- Acteurs : Alexander Fehling, Ryszard Ronczewski, Barbara Wysocka
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique, Allemand, Polonais
- Date de sortie : 14 mai 2008
- Festival : Festival de Cannes 2007
– Durée : 1h25mn
– Titre original : Am ende Kommen Touristen
En allant à la recherche du passé avec un regard contemporain, le réalisateur se questionne sur le devoir de mémoire et dessine sa propre identité, marquée par les horreurs du passé et l’envie de reconstruire. Une démarche louable qui manque toutefois de la profondeur qui aurait pu (et dû !) en faire un métrage inoubliable.
L’argument : Sven arrive à Auschwitz pour y effectuer son service civil. L’une de ses tâches consiste à s’occuper d’un survivant du camp de concentration, Krzeminski, un vieil homme buté qui traite le jeune Allemand avec un mélange d’arrogance et d’impatience. Heureusement, la relation naissante avec l’interprète Ania permet à Sven de supporter le quotidien - jusqu’à ce que le jeune homme commence à comprendre combien le passé et le présent sont inextricablement liés à Auschwitz, aujourd’hui Oswiecim...
Notre Avis : Un vieux train arrive en gare d’Oswiecim, un jeune allemand en descend... Il prend un taxi qui avance inexorablement vers le fameux portail d’entrée des déportés « Arbeit macht frei »... Premier plan séquence hautement symbolique d’un métrage sur le devoir de mémoire et le droit au retour à la normalité. Pour sa seconde réalisation, Robert Thalheim s’attaque à un sujet très ambitieux, trop peut-être : décrire Auschwitz aujourd’hui. Quels sentiments peuvent animer la jeune génération allemande exempte de tout lien avec l’horreur nazie ? Comment peut-on vivre normalement dans un lieu aussi notoire qui n’a rien de normal ? Et quels regards portent les autochtones sur les Allemands qui envahissent financièrement la région, dans une sorte de mea culpa intéressé ? Comment réagir au fait qu’Auschwitz accueille des foules de touristes et qu’un stand de cartes postales remplace les sentinelles nazies ?
Entre la préservation d’un symbole de la Shoah et l’obligation d’évoluer face à la vie et au monde moderne, l’équilibre est difficile. On retrouve cette dualité dans la rencontre entre Sven, le jeune allemand candide, et Stanislaw, l’ancien déporté qui ne peut s’éloigner de ce lieu de torture et de barbarie, ainsi que dans celle de Sven avec Ania, symbole de la jeunesse polonaise. Les relations du jeune allemand avec la Vieille Pologne déchirée et la Nouvelle Pologne qui se reconstruit forment le pilier central du métrage, mais manquent cruellement de profondeur. L’interprétation magistrale de Ryszard Ronczewski, impressionnant en bougon dont l’unique but dans la vie est de réparer les valises de ceux qui n’ont pas survécu, est pour beaucoup dans la force du propos, mais ne suffit pas à nous emporter.
L’idylle entre le jeune allemand et la jolie guide polonaise a pour unique intérêt de montrer qu’on peut tomber amoureux à Auschwitz, que la vie y a repris ses droits, mais cette romance vient perturber la lecture de ce film complexe.
Au fur et à mesure que les images défilent, on est dans l’attente de réponses, de points de vue... qui ne viennent pas forcément, le réalisateur ne faisant souvent qu’effleurer le sujet. Les réponses se font évasives, voire contradictoires, montrant ainsi qu’il est difficile de se construire dans une contrée marquée ainsi par l’Histoire. D’un côté, le message se fait idéaliste (en effet, pourquoi serait-il différent de vivre à coté d’un ancien camp de concentration ou dans n’importe quel autre endroit du monde ?) et de l’autre, il se fait plus noir, plus désabusé (la première possibilité de fuir cette ville et ce pays est utilisée comme une porte de sortie vers un avenir plus radieux).
Le regard du réalisateur berlinois se fait dur envers ses compatriotes qui utilisent l’argent, comme un acte respectable pour faire oublier le passé, tout en exploitant les habitants. Mais dès que la confrontation avec les camps se fait visible, la première échappatoire est prétexte à couper court à toute discussion.
Ce métrage sur la mémoire et le rapport au passé nous fait réfléchir sur l’héritage de nos ancêtres, parfois douloureux à assumer, mais nous laisse vite seuls face à nous-mêmes et à nos interrogations. Le principal mérite de Robert Thalheim réside dans le questionnement qu’il se pose face à l’Histoire... Malheureusement, il n’a pas su aller au-delà, et prendre réellement parti...
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Norman06 29 avril 2009
Et puis les touristes
Cette œuvre respectable mais formellement moyenne est le prototype d’un cinéma « politiquement correct » que l’on aimerait soutenir davantage, n’était la facture télévisuelle qui tient lieu de mise en scène.