Le 11 février 2024


- Titre original : The Rising Tide
- Date de sortie : 18 janvier 2024
- Titre original : The Rising Tide
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Disponible sur
Le raffinement tout britannique des fêtes qu’organisent les héros de ce roman est à l’image de la plume de Molly Keane, aussi précise que délicate, décrivant comme personne les ravages du temps qui passe.
Résumé : Lady Charlotte règne en despote sur le domaine de Garonlea. Son mari, ses quatre filles et son fils Desmond lui obéissent au doigt et à l’œil. Quand ce dernier décide de prendre pour épouse la merveilleuse Cynthia, belle, drôle, et redoutablement intelligente, Lady Charlotte sent le vent tourner. À juste titre. Cynthia emménage en face du domaine familial et redouble d’efforts pour rendre sa demeure plus accueillante, à grand renfort de parties de chasse et de garden-parties.
Critique : Molly Keane a une plume incisive, dont le charme doit autant à la précision poudrée des descriptions qu’au ton acerbe des dialogues qui se distingue derrière les formules compassées d’alors. Depuis l’année 1937, l’autrice irlandaise regarde en arrière et plonge dans le début du siècle, avant la guerre, recréant un domaine et y nichant une famille de sept. Quatre filles écervelées, un fils ambitieux, une mère acariâtre et un père effacé vivent entre les murs de Garonlea, bâtisse aussi austère que Lady Charlotte, empreinte d’une odeur poussiéreuse inquiétante, baignée d’obscurité et suintant la mélancolie. Toutes veulent s’en échapper – deux échouent momentanément. Diana, la cadette, est l’enfant rebelle, celle sur laquelle la mère s’acharne, la garçonne aussi, sans doute, celle qui rappelle Aroon St Charles du roman éponyme. C’est sa vie que bouleversera le plus l’arrivée de Cynthia chez les McGrath, épouse du fils, pleine d’idées, guidée par un égo sûr et par l’admiration qu’elle lit dans le regard des hommes. L’amour de Diana pour cette Diane chasseresse est immédiat, d’une puissance sans égale, et façonnera son existence qu’elle passera à tâcher de la satisfaire, elle plutôt que Lady Charlotte. Les deux femmes sont érigées en symboles de deux mondes, l’ancien et le nouveau – la froideur rigide face à la beauté glacée mais charmante, l’ordre pour morale face à l’amour des fleurs et du désordre organisé. Toutes deux partagent malgré tout la même crainte, celle d’être dépassées par le temps qui file, la vague qui menace de les emporter. En arrière-plan, défilent les années, les bouleversements que subit l’Irlande, simplement rappelés en une ligne, apparemment sans conséquence directe sur le destin des héroïnes de ce livre.
Et la vague les emporta… est en effet un roman de femmes fortes, décidées et audacieuses, touchantes dans leur apparente noblesse qui se craquèle peu à peu. Molly Keane fait donc preuve d’une modernité déconcertante qui n’est pas sans rappeler Jane Austen, quoique la lucidité cruelle dont elle fait preuve l’en distingue. Sans en avoir l’air, elle souligne l’absurde de certaines des mœurs incontournables d’alors, abordant des sujets tabous pour l’époque – la liberté volontaire et séduisante des jeunes femmes, les attirances interdites, la décadence raffinée des fêtes et des chasses rituelles auxquelles s’adonne Cynthia avec une fidélité déconcertante, la froideur des mères et plus généralement des relations familiales faites d’une douloureuse hypocrisie.
Molly Keane - Et la vague les emporta...
La Table Ronde
416 pages
108 x 178 mm
8,90 euros