Le 10 avril 2024
Quand l’abstraction, la répétition quasi obsessionnelle et la résurgence du passé se mêlent, cela donne ce drôle d’objet cinématographique, autant fascinant que terrifiant.
- Réalisateur : Mark Jenkin
- Acteurs : Mary Woodvine, Edward Rowe, Flo Crowe
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : ED Distribution
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 10 avril 2024
- Festival : Festival de Cannes 2022
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 2022
Résumé : Sur une île inhabitée des Cornouailles, une bénévole passionnée de vie sauvage se livre à des observations quotidiennes sur une fleur rare. Sa vie est hypnotique dans sa monotonie : elle répète les mêmes gestes jour après jour, comme un rituel. Au fur et à mesure, des sons et des images provenant d’autres temporalités commencent à s’infiltrer, perturbant progressivement son équilibre.
Critique : Chaque jour, depuis ce bout de mer où elle habite avec une jeune fille qui pourrait autant être sa propre fille qu’un fantôme surgi de nulle part, cette bénévole aux yeux très bleus surveille une fleur, plantée au bord d’une falaise. Elle prend la température du sol, observe les changements du végétal, et lance curieusement une pierre dans un puits construit à même la roche. Enys Men ne ressemble à aucun film d’épouvante. L’image est volontairement sale, imprécise, comme pour rappeler les années 1970 où se passe la fiction, mais surtout faire pénétrer le spectateur dans un univers sombre, mystérieux et effrayant.
- Copyright Bosena
On est loin du film d’horreur comme on en a l’habitude sur les écrans. Mark Jenkin qui présentait son film à Cannes en 2022 à la Quinzaine des Réalisateurs joue sur l’étrangeté et l’énigme pour insuffler un malaise permanent du spectateur. La première séquence s’évertue à décrire cette femme dans son ciré rouge, qui répète tous les jours les mêmes gestes. Puis, le passé semble ressurgir des profondeurs marines et des ruines où manifestement des peuples anciens ont péri. Peu à peu, les visiteurs se font de plus en plus visibles, et on ne sait plus dans quelle réalité l’héroïne se situe. Par bien des aspects, on pense à la première expérimentation de David Lynch, Eraserhead, à cause de cette ambiance de fin du monde et du grain si particulier de l’image. On est comme projeté dans un jeu vidéo de type Silent Hill où les apparitions glauques s’accommodent parfaitement aux brumes des paysages.
- Copyright Bosena
Le son, la musique jouent un rôle très important dans le film. Le montage extrêmement particulier participe de l’anxiété généralisée qui se dégage du long-métrage. De même, les objets, la façade de la maison, les ruines plantées dans les rochers qui longent la mer semblent des personnages à eux tout seuls, d’autant que la solitude de la protagoniste devient vertigineuse. Enys Men s’assume comme une œuvre autant expérimentale que conçue pour créer la confusion et l’angoisse chez le spectateur.
Il ne faut pas chercher à tout comprendre. Enys Men est une fiction fabriquée pour emporter le spectateur dans une dimension qui lui échappe totalement. Chaque plan respire un travail très important sur la couleur, la lumière, ce à quoi se rajoute un étalonnage remarquable. La nature reprend ses droits dans cette péninsule des Cornouailles, presque comme un rappel à la fragilité de notre humanité face à la puissance des océans, des animaux et des plantes. Une mention spéciale pour la musique, particulièrement celle du générique de fin, musique manifestement composée par le réalisateur lui-même.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.