Le 9 avril 2023
- Plus d'informations : Le site du Festival
Alors que se tient du 13 au 16 avril à Toulouse la quatrième édition du festival Grindhouse Paradise, son cocréateur Yoann Gibert a accepté de nous en livrer les coulisses. Plongeons dans les entrailles du cinéma fantastique sous toutes ses formes, avec un vrai passionné.
AVoir-ALire : Il s’agit cette année de la quatrième édition du Grindhouse Paradise festival, qui est donc récent. Qu’est-ce qui a motivé sa création, et pourquoi à Toulouse ?
Yoann Gibert : C’est parti d’une frustration. Je suis grand amateur de cinéma fantastique, et j’adore les festivals, les découvrir, y participer. C’était un peu frustrant de devoir se déplacer à Paris, Strasbourg, Gérardmer ou Neuchâtel. Donc je me suis demandé s’il n’y avait pas la place à Toulouse pour créer un festival de cinéma fantastique contemporain. La réponse était oui ! En trois éditions, on a remarqué un intérêt de la part des spectateurs.
Précisément, quels sont les principaux retours d’expérience sur les premières éditions ?
Déjà, que c’est super d’en avoir un dans la région, j’ai encore reçu un mail aujourd’hui d’une personne qui remerciait toute l’équipe du festival de faire vivre le cinéma fantastique à Toulouse ! Un retour d’autant plus satisfaisant que nous essayons d’adopter une ligne de programmation à la fois populaire et exigeante pour satisfaire l’appétence de tous les publics. Vous trouverez énormément de films qui ne sont pas, ou pas encore sortis en France. À Toulouse, vous avez aussi le festival Extrême Cinéma à la Cinémathèque. Ils proposent du fantastique, mais plutôt patrimoine. Nous sommes le versant contemporain, avec des inédits, des avant-premières, des premières françaises… Pas de reprise, ou très peu. Nous voulons donner de la visibilité à des films qui en manquent.
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Vous diriez que le genre en France manque de visibilité, justement ?
C’est une question intéressante. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il en manque. Cela fait dix-quinze ans qu’il y a un vrai regain d’intérêt pour le cinéma fantastique. Prenez la maison de production américaine Blumhouse, montée il y une vingtaine d’années, qui permet à des réalisateurs de produire leurs films, de se faire la main et d’avoir de la visibilité. Mais parfois, on peut retrouver une formule, chez certains films plus mainstream. Ce n’est pas un gros mot ! Je suis le premier à aller voir ces films. Mais dès qu’une boîte de production ou un distributeur ont trouvé un filon, ils savent comment l’exploiter à outrance pour faire venir les spectateurs et spectatrices. En revanche, quand on est en dehors des cases… On ne sait pas trop comment s’y prendre. Prenez The Northman (R. Eggers, 2022)…
Qui est super, au demeurant, même si c’est un ovni.
Oui ! On l’a un peu vendu comme une espèce de 300 (Z. Snyder, 2006) un peu arty, ce que le film n’est pas forcément. Certains films arrivent à sortir en salle, mais répondent parfois à des formules préétablies. L’autre phénomène que je remarque est que les grosses plateformes de SVOD se servent du fantastique pour remplir leur catalogue. Mais ils ne les mettent pas toujours en avant, et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Le cinéma de genre n’est plus autant conspué qu’avant, mais beaucoup de propositions restent compliquées à découvrir. C’est là qu’est la responsabilité d’un festival. Organiser des projections uniques ou en nombre restreint est parfois moins difficile qu’une sortie plus classique sur plusieurs semaines.
Depuis quelques années, le cinéma français a mis une politique en place concernant le cinéma de genre. Quel regard portez-vous dessus ? Vous constatez qu’il y a plus de genre, et que la qualité est là ?
Le cinéma de genre a toujours été important. Un des premiers blockbusters a été les Dents de la mer (S. Spielberg, 1975). Je trouve ça intéressant que le CNC choisisse de créer une bourse spéciale pour le cinéma de genre. Ces initiatives sont super, mais attention à ne pas le ghettoïser. Il faut financer et distribuer le genre comme le reste, ne pas mettre de barrière entre les genres. On retrouve de grands festivals, comme Cannes, qui se réapproprient le cinéma de genre, pour en faire quelque chose d’un peu branché, et c’est très bien. Mais ça me pose question. J’aimerais simplement qu’on le considère comme le reste.
Si je veux caractériser le Grindhouse Paradise festival comme un pur festival de cinéma fantastique, je vise juste ?
C’est un peu un abus de langage de parler de festival du film fantastique, puisqu’on diffuse également des films dont le genre ne s’inscrit pas pleinement dans le surnaturel, l’irréel, ou l’irrationnel. On diffuse aussi des thrillers, comme notre film d’ouverture, Soft and Quiet (Beth de Araújo, 2022). C’est un des films les plus éprouvants que j’aie vus ces dernières années, et pourtant un des plus réalistes. C’est l’histoire d’un groupuscule d’extrême droite qui part en mission punitive car il a l’impression que les Américains ne sont plus chez eux aux États-Unis. On est sur le cinéma de la marge, qui est un peu virulent, qui ne caresse pas le public dans le sens du poil. Il parle de notre époque frontalement, saisit aux tripes. Mais nos films peuvent aussi émerveiller, attendrir, émouvoir… L’année dernière, on avait par exemple une comédie romantique fantastique dont le propos était très bienveillant et réconfortant. On va vers les films où l’on perçoit l’envie de flirter avec l’irréel. Ou même de l’horreur ordinaire, réaliste, comme Soft and Quiet. On a une ligne assez ouverte.
- Soft and Quiet - © Second Grade Teacher Productions
À la fin chaque séance, le public est amené à voter, c’est bien cela ? Toutes les séances sont participatives ?
On a une compétition, avec neuf longs-métrages. Pour ceux-là, le public est en effet amené à voter pour élire le Grand Prix. On voulait faire du festival Grindhouse Paradise un espace d’échange et de rencontre. On voulait faire plus que balancer des films. Le cinéma fantastique, c’est très populaire, tout le monde en regarde. Je discute de Terminator 2 (J. Cameron, 1991) avec mon père ! C’est aussi pour cela qu’on organise une petite présentation pour chaque film. On y donne quelques indications sur le réalisateur ou la réalisatrice, quelques clés de compréhension pour mieux les défendre aussi. J’ai vu trois cent cinquante films depuis un an pour préparer cette édition. Donc on a pris ce qu’on estime être le best of the best !
Comment effectuez-vous le processus de sélection ? Vous prenez les seize meilleurs ? Ou vous réservez de la place pour quelques sous-genres en particulier ?
C’est un peu des deux. Mes envies de programmateurs viennent de mes envies de spectateur. Avec mes collègues (Johan Borg et Guilhem Carassus, ndlr), on organise en quelque sorte le festival auquel on aimerait assister en tant que spectateurs. On a pris des films qu’on a adorés, on fonctionne au coup de cœur. Mais on n’a pas pris certains car ils pouvaient faire doublon par exemple. Donc on essaie de dresser un panorama un peu diversifié du cinéma de genre contemporain, mettre en avant sa richesse.
Vous insistez beaucoup, dans la communication, sur la surprise pour le spectateur.
Clairement ! On a deux ou trois films qui parlent au public, mais on va surtout chercher des choses moins évidentes, qui peuvent dérouter le public. Que les gens se disent « tiens, je l’ai découvert au Grindhouse ». S’ils ne les aiment pas, ce n’est pas si grave !
Quelques parcours de films ont été changés à la suite du festival ?
Le bouche à oreille peut vraiment faire ou défaire la carrière d’un film. Regardez Everywhere everything all at once (The Daniels, 2022). Il est sorti sur un nombre très restreint de salles, et puis avec le bouche-à-oreille tout a changé. Pour un des films qu’on va diffuser, Skinamarink (Kyle Edward Ball, 2022), c’est un peu pareil. C’était un petit film qui devait sortir dans quelques salles pour Halloween. Puis il a fait le buzz, et a acquis sa réputation. Je ne sais pas si un festival comme le nôtre peut changer la trajectoire d’un film, mais si c’est le cas, tant mieux.
Comment approchez vous les invités du festival ?
Un programme se construit de manière organique. Parmi les films sélectionnés, il y a les « missiles », ceux qui nous ont le plus été appréciés. Ceux-là, on les programme pour les séances avec le plus de visibilité (ouverture, fermeture, séances de 19h). On était donc très heureux que Cédric Ido nous réponde favorablement pour La Gravité. On a trouvé le film super attachant. Un vrai mélange de genre, avec des acteurs très investis. C’est aussi un film qui montre de la diversité, ce qui n’est pas toujours le cas au cinéma. Même chose pour The Origin d’Andrew Cumming. On a été scotché par la modernité du propos et sa mise en scène. On a donc voulu inviter le réalisateur. Pour l’anecdote, quand j’ai contacté Andrew Cumming, il m’a dit qu’il voulait bien, mais que pour avoir la présentation la plus complète possible, il fallait aussi inviter la scénariste, Ruth Greenberg, qui a eu un rôle très important. Je lui ai envoyée un mail, elle a dit oui, tout simplement.
– Festival à retrouver du 13 au 16 avril 2023.
– Tous les films sont projetés en version originale au sein de l’American Cosmograph, à Toulouse.
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