Entretien avec un vampire - Neil Jordan - critique

Critique : Sur un scénario d’Anne Rice qui a adapté son propre roman, Entretien avec un vampire est la première réalisation hollywoodienne de l’Irlandais Neil Jordan (The Crying Game). Le cinéaste s’efface ici derrière son sujet et coordonne le travail technique et artistique d’une production qui tente de donner une nouvelle dimension au genre. Ni grand classique de la trempe de Nosferatu le vampire, ni génial film de studio comme le Dracula de Browning, ni premier degré de série B tel Le cauchemar de Dracula, ni second degré d’auteur façon Le bal des vampires, ni parodie à la manière de Vampire, vous avez dit vampire ?, le film bénéficie de moyens importants et se présente comme une œuvre de prestige s’adressant à un large public. Classique mais élégant, Entretien avec vampire cherche à revisiter le mythe en introduisant des éléments de dramaturgie psychologique chez les personnages, le film étant à ce niveau conforme à l’esprit du roman. Par un long flash-back qui éclaire l’aventure hors norme de Louis (Brad Pitt), l’intrigue bâtit un habile suspense qui mène le spectateur de 1791 à 1993, de Saint Louis à San Francisco en passant par Paris, grillant l’étape des Carpates présentée par Louis comme une invention d’artiste fou...
C’est l’un des rares traits d’humour d’une histoire qui se prend très au sérieux et n’évite pas les traits simplistes, notamment dans l’opposition entre le bon et le méchant vampire. Le scénario est pourtant subtil par ses sous-entendus, en distillant de troublantes connotations homosexuelles. Les vampires qui sévissent sont tous des beaux garçons qui cherchent leurs proies dans des bellâtres, s’étreignent en s’envoyant littéralement en l’air ou sont en quête du compagnon, Malloy établissant des liens plus qu’équivoques avec Lestat (Tom Cruise), Armand (Antonio Banderas) ou Malloy (Christian Slater). Et quand une petite orpheline (géniale Kristen Dunst) est vampirisée puis adoptée par Louis et Malloy, s’unit sous nos yeux une évidente famille homoparentale... Si les pistes narratives s’avèrent donc insolites et habiles, il faut aussi souligner la beauté de la photo de Philippe Rousselot, des costumes de Sandy Powell et des décors de Malcolm Middleton. Ces collaborateurs contribuent à la réussite d’un film qui sans être majeur est bien supérieur à l’insipide série des Twilight.