Emmet Till - La chronique BD

C’est donc l’histoire d’un garçon venu de Chicago dans le sud des États-Unis, mais qui ne reverra jamais sa mère ou l’Illinois, la faute à la stupidité, le rêve d’une supériorité raciale plus qu’à de la jalousie mal placée. Les deux frères qui l’ont enlevé en pleine nuit, torturé et jeté dans une mare ne seront pas reconnus coupables, sortiront du tribunal en héros et seront ensuite payés pour raconter leur histoire, sans aucune crainte d’être à nouveau poursuivis.

Une paire de salopards et un destin injustement brisé, un thème que d’autres livres, de Toni Morrison à Colson Whitehead, que pas mal de films ou de chansons ont donné à voir, toujours avec ce même sentiment que quelque chose ne tourne pas rond lorsqu’il est question de race, quelle qu’elle soit. Emmet Till est une victime de la ségrégation et mérite d’être rappelé à ce titre de jeune et innocent martyr, pour évoquer une cause difficile dans un pays qui parle sans cesse de liberté. 

Arnaud Floc’h, Christophe Bouchard / Editions Sarbacane

Forcément poignant, par sa violence d’abord atténuée puis évidente, même si elle reste métaphorique, le dessin ne veut pas se forcer. On se prend à vouloir passer les passages situés dans le présent, qui montrent les narrateurs d’aujourd’hui parler d’hier, ce passé qui est le plus intéressant, aussi bien dans le scénario que dans le graphisme. Ce Sud étouffant, ces routes et ces champs pleins de poussière, ces marais qui sentent mauvais, tout cela n’a aucun charme mais justement, c’est là toute l’efficacité du dessin, qui a rempli donc son office : créer une atmosphère. En cela, les passages situés hors de cette époque sont un peu en décalage, moins prenants. 

Arnaud Floc’h, Christophe Bouchard / Editions Sarbacane

Œuvre brillante faisant un devoir de mémoire, rappelant d’ailleurs à l’aide de documents d’époque en toute fin l’injustice criante d’un moment de l’Histoire et d’une histoire... Trop courte.