Critique : Il s’agit d’un petit livre que l’on ouvre pour un long voyage : nous allons prendre le train avec la journaliste, jusqu’à Finse, au nord de la Norvège. Là-bas, elle veut relever le défi de l’isolement pendant quelques jours et retrouver un lien avec l’obscurité. Elle décide d’agrémenter son séjour avec la poésie d’un écrivain contemporain norvégien, Jon Fosse et avec le récit d’une pionnière, qui a affronté seule l’hiver de la nuit polaire, dans les années 1930.

Autour d’elle, le silence, le froid et surtout la nuit avec laquelle elle doit se réconcilier. Parce que Sigri Sandberg, qui a paradoxalement peur du noir, n’aime pas être séparée des siens et ne raffole pas du silence. Ce qu’elle recherche à travers ce texte, c’est à livrer la perception de l’obscurité par le corps, les pensées, les scientifiques ou dans le processus d’écriture.

Évidemment, la nuit n’est pas la même pour tous, qu’elle permette la contemplation de la voie lactée dans les réserves de ciel étoilé, modèle qu’elle encourage à étendre dans toute l’Europe ou bien qu’elle soit trop claire, au point de perturber les métabolismes. L’obscurité peut contenir de nombreuses peurs ou bien constituer un refuge enveloppant. Elle peut aussi abriter des particularités physiques extraordinaires, comme les trous noirs et l’énergie qui s’en dégage.

Le livre traite ainsi de tous les aspects de l’obscurité et même des phénomènes qui la parcourent. Comment ne pas aborder les aurores boréales, lorsqu’on place son récit en Norvège ? Celle-ci s’associe-t-elle toujours au silence ou au repos ? Comment le rapport humain avec l’obscurité a-t-il évolué ? Et surtout, le mot signifie-t-il absolument "absence de lumière" ? Bref, la thématique fascine, attire et repousse à la fois, mais fait finalement partie de notre équilibre. Sa persistance est essentielle à l’Humanité et sans doute bien au-delà.

Le récit disséminé de Christine Ritter, au fur et à mesure de son expérience, permet au lecteur de parcourir les étapes de cette femme isolée dans la nuit polaire, qui l’accompagne comme une présence bienveillante. Elle affronte ses peurs, les tempêtes, la solitude, le froid et la dureté des terres glacées. Cette expérience se dévoile en parallèle de celle, contemporaine, de l’auteure. Si les conditions de confort ont changé, les sensations restent les mêmes.

Tel un voyage vers l’inconnu, ce livre englobe à la fois un récit, un témoignage et une palette de savoirs liés à l’obscurité dans toutes ses dimensions. Sans s’annoncer militante, Sigri Sandberg arrive à donner des pistes pour retrouver l’équilibre entre l’ombre et la lumière, garante d’un équilibre sain, à la fois pour la planète et pour la vie humaine. Les initiatives et solutions apportées sont ici réunies, sans pour autant apparaître comme des contraintes. Il s’agit simplement d’un bénéfice à retrouver, en même temps qu’une humilité qui ramène à l’essentiel. Le livre s’impose en tant que respiration pour l’esprit, qui transporte dans un paysage lisse, froid, où le confinement devient nécessaire, où le seul repère devient l’obscurité.