Le 23 avril 2023
Une comédie caustique qui avec un mal plaisir décortique la nature profonde d’un patron trop bienveillant pour être honnête et interroge sur la capacité de chacun d’entre nous à se saisir du pouvoir dès lors qu’il est à portée de main.
- Réalisateur : Fernando León de Aranoa
- Acteurs : Javier Bardem , Celso Bugallo, Sonia Almarcha, Manolo Solo, Almudena Amor, Óscar de la Fuente, Tarik Rmili, Mara Guil
- Genre : Comédie
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Paname Distribution
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 2 octobre 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 22 juin 2022
- Festival : Festival Cinéma Européen 2022, Festival San Sebastian 2021, Festival de cinéma ibérique et latino américain Grenoble 2022
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Résumé : Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine… Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe… Une stagiaire irrésistible… A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, héritier de l’ancestrale fabrique familiale de balances, doit d’urgence sauver la boîte. Il s’y attelle, à sa manière, paternaliste et autoritaire : en bon patron ?
Critique : Après son père et son grand-père, Juan Blanco (Javier Bardem) est l’heureux propriétaire d’une entreprise qui fabrique des balances industrielles. L’une d’entre elles, à l’équilibre déficient, orne l’entrée de son usine, juste sous la grille dont la typographie n’est pas sans rappeler celle des sinistres camps de la dernière guerre.
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Charmeur et doté d’une belle capacité à jouer le caméléon, Blanco évolue avec aisance dans toutes les situations et déploie une apparente bienveillance dont le but essentiel est de servir ses propres intérêts. À l’heure où il est susceptible de recevoir le prix d’Excellence pour sa société et d’ajouter un nouveau trophée sur le mur de son salon, il s’agit de mettre tous les atouts de son côté, quitte à bousculer quelque peu les limites de l’éthique. D’autant que quelques problèmes gênants s’accumulent, à commencer par ce collaborateur tout juste évincé. Non seulement il perturbe ce discours lénifiant que le bon patron vient de servir à ses salariés, mais en plus il s’installe devant les portes de l’entreprise, clamant haut et fort sa colère face à une telle injustice. Il met d’ailleurs dans l’embarras le gardien tiraillé entre la solidarité qu’il souhaiterait exprimer à son collègue et l’apparente amitié que lui témoigne son supérieur hiérarchique.
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Quand Miralles (Manolo Solo), son directeur de production et ami d’enfance, perturbé par des problèmes conjugaux, multiplie les erreurs, Blanco n’hésite pas à s’immiscer au sein de son couple, prétendument au nom de leur amitié, assurément pour la sauvegarde des activités professionnelles. Il va jusqu’à imposer à sa femme qui tient un magasin en ville la présence d’un gamin peu recommandable au prétexte qu’il est le fils d’un de ses plus vieux employés, corvéable à merci. Il ne manque pas non plus de repérer les plus jolies stagiaires et de tenter de les séduire. Il faut dire que Liliana (Almudena Amor) ne manque pas d’atouts !
Macho, manipulateur, hâbleur, Julio Blanco réunit tous les éléments pour se faire détester. Et pourtant, sa rouerie subtilement dosée fait naître empathie et même une pointe d’admiration.
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Après Les lundis au soleil (2002), Fernando León de Aranoa continue de poser un regard adroitement mordant sur les conditions de travail actuelles. S’il délaisse le problème du chômage évoqué lors de son précédent métrage, il conserve la dynamique de sa mise en scène pour observer de l’intérieur ce microcosme composé de multiples personnalités essentiellement occupées à tirer le meilleur profit les unes des autres. Autour de la figure contestable du chef d’entreprise interprété par un impeccable Javier Bardem tout à fait à l’aise dans ce costume taillé à sa juste mesure, se mettent alors en place tous les ingrédients de la tragi-comédie humaine : jalousie, traîtrise, influence, subordination, rivalité, revanche, ambition. Trouvant le juste équilibre entre la froideur des lieux et la vivacité des personnages, le film avance au rythme des vicissitudes humaines. Il se pare d’abord des couleurs de la comédie pour bientôt s’enfermer dans le suspense du thriller, sans oublier de distiller ici et là quelques notes de tragédie, tout en évitant le piège du misérabilisme.
Grande favorite des Goya (les Oscars du cinéma espagnol), cette farce à l’amoralité réjouissante a été récompensée six fois, remportant, entre autres, le prix du meilleur film. À coup sûr, elle le vaut bien !
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