Le 9 juin 2022
Entre comédie et tragédie, Thomas Vinterberg raconte la chute en enfer de quatre enseignants, emportés par la nébuleuse de l’alcool. Brillant, formidablement intelligent, et d’une force inouïe qui résiste à la tentation du moralisme.
- Réalisateur : Thomas Vinterberg
- Acteurs : Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Susse Wold, Lars Ranthe, Magnus Millang
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Danois
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 21 mai 2024 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Reprise: 19 mai 2021
- Titre original : Druk
- Date de sortie : 14 octobre 2020
- Festival : Festival de Cannes 2020
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Résumé : Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant tous que leur vie n’en sera que meilleure ! Si dans un premier temps les résultats sont encourageants, la situation devient rapidement hors de contrôle.
Critique : Le film s’ouvre sur un spectacle à ciel ouvert : des ribambelles de jeunes gens courent autour d’un lac, l’objectif étant d’avaler le plus de bières possible et de revenir au point d’arrivée en ayant consommé tout le pack d’alcool. La messe est dite par Thomas Vinterberg sur tout un pays, le Danemark, dévasté par l’alcoolisme. Puis le noir s’abat brutalement sur l’écran et le récit s’engage autour de quatre hommes, Martin, Tommy, Peter et Nikolaj. Ils sont enseignants, traversent la quarantaine. Ils n’ont pas la vie dont ils avaient rêvé. Martin particulièrement, le prof d’histoire, ressent bien qu’il n’est plus le garçon qui a fait tourner les yeux de son épouse, ses élèves méprisent son enseignement, et la dépression le guette. En ce sens, Drunk parle du passage de la quarantaine à la cinquantaine, et du projet difficile de s’envisager autrement qu’enfants nous nous étions rêvés en tant qu’adultes. Alors l’alcool est là, comme une invitation à rendre son existence plus légère, avec le risque évident de sombrer dans l’addiction.
- Copyright Henrik Ohsten
Thomas Vinterberg se garde pendant tout le film de succomber au manichéisme et au jugement moral. Il emprunte le rire et le tragique, comme deux faces d’une même pièce, donnant ainsi à son récit autant de profondeur que de légèreté pour parler du drame de l’alcoolisme. Le cinéaste n’a peur d’aucune provocation, jusqu’à cette scène absolument cocasse et délicieuse où un enseignant de philosophie incite son jeune élève, désespéré par ses résultats scolaires et son manque de confiance en lui, à consommer de l’alcool avant d’affronter un examen. Cette appétence à l’humour grinçant protège le récit contre le mélodrame vaseux et surtout contre le jugement à l’emporte-pièce. Les personnages errent même dans un univers sociétal où les règles sont totalement absentes : les élèves tutoient leurs professeurs, les enseignants de sport tiennent la main de leurs jeunes étudiants, on s’alcoolise au travail, sans que la proviseure soit capable de poser le cadre et de sanctionner les enseignants ivres. Finalement, l’autorité et les limites s’imposent au sein des familles et des couples, où les excès éthyliques poussent les protagonistes à remettre les choses à leur place et à prendre des décisions qui protègent l’équilibre familial.
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La force du long-métrage tient à la mise en scène d’une exceptionnelle intelligence. Les mouvements de caméra, les jeux sur l’image, les musiques participent à cette mise en abyme du désarroi avec une rare intensité. Vinterberg évite d’avancer dans son histoire en forçant le récit. Au contraire, il décrit la spirale infernale de l’alcoolisme dont les excès sont interrogés à chaque instant du film. L’alcool devient alors un personnage en tant que tel, autant sujet à l’amusement, à la désinhibition qu’à la déchéance et à la rupture sociale. Le film est si admirablement construit qu’on comprend que le cinéaste n’a rien laissé au hasard. La complexité des personnages se dessine sur le trait des visages, et le désespoir l’emporte peu à peu dans cette histoire de joie, de sauvetage et de perte à la fois.
- Copyright Henrik Ohsten
Drunk, en plus d’être savamment mis en scène, est porté par quatre comédiens principaux hallucinants de tendresse et de désespoir. Mads Mikkelsen qui interprète le professeur d’histoire tient le haut de l’affiche. Dès les premières séquences, on perçoit la fracture intérieure de l’homme. Le simple port d’un verre d’eau, alors que ses amis se saoulent sans limite, trahit la fragilité d’un être qui a peut-être déjà connu les ravages de l’alcool. Le visage, superbe, laisse apparaître les ridules, le poids d’une existence qui a perdu de sa vitalité. Et que dire de cette fin remarquable où le comédien s’engage dans un lâcher-prise total, où son corps crie autant la souffrance que le désir profond de transformer sa vie ? Drunk constitue une expérience humaine et sociale, à travers les personnages, où chacun verra un peu de soi, quand il s’agit de renoncer aux plaisirs dangereux et de réenchanter sa vie.
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