Drôles de cigognes - La critique des films

Notre avis : Première femme réalisatrice de l’animation tchèque, Hermína Týrlová se spécialise dans le détournement d’objets de la vie quotidienne pour en faire la matière vivante de ses contes situés entre tradition et modernité. Ainsi, dans cette sélection, se transforment en personnages sous nos yeux pelotes et brins de laine, jouets en bois, figurines de pâtes à pain. Les décors sont des papiers peints à la main ou des broderies ou papiers découpés fixés en à-plat, à la manière de collages et dessins enfantins. Ces films, visionnables dès trois ans, font partie de ceux qui ne sont pas réservés qu’aux enfants mais à ceux aussi qui ont su en garder l’âme, reposant chacun à leur manière sur des ressorts narratifs connus (le conte et la mythologie dans Le mirliton fripon mais aussi dans Le cavalier dézingué, réécriture de Pinocchio, les histoires de cape et d’épée dans Potes en pelotes) tout en offrant la vision d’une société en mouvement (le cheval de pelote qui se transforme en automobile, la mécanisation du travail du marmiton). Animés par des techniques diverses d’une façon virtuose, les cinq scénarii posent chacun, et parfois en se répondant, un regard tendre et poétique sur un imaginaire enfantin, et pour le spectateur d’aujourd’hui – plus sûrement bercé aux techniques 3D - renvoient à l’enfance même du cinéma d’animation.

Le procédé, utilisé dans deux des cinq courts métrages (Potes en pelote et Le cavalier dézingué), qui consiste à mélanger des prises de vues réelles et des images d’animation, permet une belle mise en abîme du travail de la réalisatrice dans son studio-atelier et fonctionne comme une suite de clins d’œil au spectateur vers ce cinéma en train de se faire, véritable « artisanat ». Ce choix d’animer des objets du quotidien (la bille, le lance-pierre...), ces choses simples, faites de trois fois rien, nous rappelle combien les enfants jouent en s’emparant du moindre objet de leur environnement, pour lui prêter nombre d’histoires sorties tout droit de leur imagination créatrice. Elle nous invite tous, petits et grands, à redevenir ces grands enfants capables de se raconter des histoires. Peut-être une façon aussi de rappeler que la technique n’est rien si elle n’est pas au service d’une imagination en mouvement.

La lettre curieuse, ce court-métrage distribué en supplément de Drôles de cigognes, met parfaitement en scène, par le mélange de prises de vues réelles et l’animation en marionnettes de la dite lettre, l’émotion grandissante d’un enfant parti en colonie de vacances, attendant le courrier de ses parents. On assiste alors aux pérégrinations de la lettre échappant à tout contrôle, mais finissant bien par arriver au bon destinataire.