Manque d’inspiration en images
Le 11 septembre 2018
Avec une direction artistique grisonnante, Dovlatov nous immerge dans l’ambiance pesante de son époque, mais laisse le génie créatif de Sergueï Dovlatov aussi hermétique qu’imperceptible. C’est dommage, c’était ce qu’on était venu chercher.
- Réalisateur : Alexey Guerman Jr
- Acteurs : Danila Kozlovsky, Milan Maric, Helena Sujecka, Arthur Beschastny
- Nationalité : Polonais, Russe, Serbe
- Distributeur : Paradis Films
- Durée : 2h06mn
- Date de sortie : 12 septembre 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : URSS, 1971. Six jours dans la vie de l’auteur Sergueï Dovlatov, alors journaliste pour des magazines au service de la propagande du régime – mais qui rêve avant tout d’écrire un grand livre. Six jours dans l’intimité d’un artiste brillant et caustique, qui se bat pour continuer à écrire avec intégrité malgré les persécutions d’une écrasante machine politique. Six jours qui façonnent le destin d’un des plus grands écrivains russes du XXème siècle, qui fut capable de penser au-delà des limites imposées par le régime soviétique.
Notre avis : Ceux qui, à la vue du générique d’ouverture, sur fond de jazz, assimileront cette entrée en la matière aux films de Woody Allen n’auront pas tout à fait tort. Le biopic - sur une période très courte de sa vie - de Sergueï Dovlatov, s’apparente fortement au cinéaste américain. Le réalisateur Alexey Guerman Jr. a dû très certainement penser à l’auteur new-yorkais en misant sur les dialogues de son illustre personnage de journaliste pour évoquer son esprit vif. Cependant, sans la part de second degré de l’auteur new-yorkais, la surcharge de références littéraires que Guerman a injectée dans son écriture met davantage en avant le caractère poseur de son film, et moins sa finesse d’esprit.
Le « charisme fou » avec lequel le réalisateur décrit son personnage n’est pas non plus flagrant au vu du peu de présence que dégage son acteur, le Serbe Milan Marić. Ainsi, ni l’écriture ni le casting ne permettent de faire du rôle-titre le point d’intérêt de ce long-métrage. Aussi, c’est davantage dans ce qui entoure cet homme que nous pouvons comprendre la réception positive lors de la Berlinale, en 2018.
- Copyright Paradis Films
Le prix récolté à Berlin est celui de la meilleure contribution artistique, remis à la responsable des décors et costumes. En effet, les efforts que celle-ci a effectués pour reconstituer le Leningrad de 1971 sont sidérants. Chaque appartement surpeuplé ou rue enneigée nous renvoient parfaitement dans la grisaille et l’austérité de l’URSS de Brejnev.
Le choix d’avoir limité le récit à quelques jours de novembre, en pleines célébrations de la Révolution d’Octobre, pendant que Sergueï Dovlatov assiste au tournage d’un film de propagande mettant en scène d’anciens auteurs, marque bien le passéisme de cette société. Or, cette atmosphère culturellement mortifère est exactement ce que maugrée tout du long ce personnage principal plein d’ambitions individuelles. C’est donc de sa frustration, et aucunement de son génie créatif, que ce film parvient à nous faire profiter. Seules deux courtes scènes nous plongeant dans les rêves du romancier nous permettent de prendre un minimum la mesure de son imagination. C’est davantage dans le rassemblement de groupes d’artistes clandestins que cette reconstitution historique trouve un écho moderne en puissance. Mais, encore une fois, la teneur outrecuidante des dialogues pèse lourdement sur ces scènes pourtant prometteuses au point de les rendre quelque peu sentencieuses.
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Bien que la morale de ce film, selon laquelle la solidarité est la meilleure arme pour garder l’espoir face aux régimes totalitaires qui jugent les esprits libres subversifs, soit assénée de la façon la plus didactique possible, c’est la contrariété dont fait preuve Dovlatov qui devient, en fin de compte, son moteur émotionnel. Pourtant, les quelques jours que dure l’action ne permettent pas au désenchantement cynique de cet artiste maudit d’évoluer. C’est donc uniquement le fait de connaître son destin glorieux qui donne à ses passages de déprime et de remise en question une certaine finalité morale. Le fait d’être fidèle à ses propres idéaux est donc le discours que tend Guerman. Un message quelque peu naïf, et donc difficilement contestable, mais qui apparaît surtout pour lui comme une occasion de nous faire part de sa connaissance de la littérature russe, et ce, sans réussir à illustrer le talent de l’auteur auquel il a choisi de consacrer son histoire. Il est donc d’autant plus regrettable que celle-ci ne parvienne aucunement à donner, au public qui ne connaîtrait pas Dovlatov, l’envie de se plonger dans les écrits de celui dont elle nous donne l’image d’un simple pigiste bougon.
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