Le 13 octobre 2014
Une belle série russe, pour suivre le cheminement hors-norme d’un écrivain, mais aussi, mais surtout d’un homme.
- Réalisateur : Vladimir Khotinenko
- Acteurs : Evgueny Mironov, Tchoulpan Khamatova
- Genre : Biopic, Historique
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 7h21mn (8 épisodes de 55 minutes)
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– Année de production : 2011
– Sortie DVD : le 7 octobre 2014
Une mise en scène riche pour décrire l’aventure morale et physique d’un grand homme, à travers tourments et questionnements.
L’argument : Saint-Pétersbourg, 1849. Condamné pour avoir côtoyé les milieux progressistes, Fiodor Dostoïevski est déporté en Sibérie. Au lieu de le briser, ses années au bagne vont le métamorphoser, et feront naître en lui une véritable empathie pour le peuple russe. Libéré cinq ans plus tard, il se sert de cette expérience pour écrire les chefs-d’œuvre que l’on connaît et tombe amoureux de Maria Dmitrievna Issaïeva. Bien qu’elle soit mariée et atteinte de tuberculose. Dostoïevski n’entend pas renoncer à cet amour... De 1849 jusqu’à sa mort en 1881, la série retrace l’itinéraire d’un homme intelligent, passionné et séducteur.
Notre avis : Malgré des moyens financiers insuffisants qui conduisent à des plans serrés en extérieurs ou à des contre-plongées, mais aussi à l’utilisation de toiles peintes ou de maquettes, la série-biopic réussit le tour de force de nous passionner pour la vie tumultueuse du grand écrivain russe, fiévreusement incarné par Evgueny Mironov. C’est d’ailleurs moins une série qu’un long film découpé en huit parties. Chaque épisode commence par un événement qui n’interviendra qu’au début du huitième : l’exécution du célèbre tableau de Perov, véritable consécration peinte en 1872. En quelque sorte, à partir de cette image iconique, la vie de Dostoïevski se déroule en longs flash-backs, en partant de sa condamnation et du bagne. Il y a ici l’une des séquences séminales du film, l’autre étant l’image récurrente d’un jeu de dé sur une carte, jeu à la fois réel (il a eu lieu dans son enfance, ce que montrent un peu lourdement le ralenti et le flou) et symbolique des errances et du hasard.
On suit presque chronologiquement les amours, l’écriture et les trajets (physiques et moraux) de l’écrivain. L’une des forces de la série est de rester intelligible malgré le grand nombre de personnages, quelquefois relativement méconnus du public français : Tourgueniev, par exemple, est peu lu dans nos contrées. S’y dessine le portrait complexe d’un homme traumatisé, hanté par des passions (les femmes, le jeu) et en quête de vérité. Les dialogues, nombreux, disent cette quête que l’on retrouve dans les grands romans : qu’est-ce que la foi ? Comment comprendre l’autre ? Quel sens ont la faute, le péché, l’humiliation ? Toutes ces questions ne restent pas théoriques mais s’inscrivent dans le mouvement même d’une vie et de ses rencontres. Il faut voir Dostoïevski harceler les autres (les bagnards, les femmes) d’interrogations haletantes : « Je veux comprendre » dit-il dans l’épisode 5.Et c’est d’ailleurs sur une dernière question -et non sur la mort de l’auteur que se clôt la série.
La mise en scène alterne des moments purement télévisuels en gros plan et champs/ contrechamps avec des séquences très élaborées. En témoigne l’abondance des miroirs, souvent révélateurs d’une situation (nous pensons à ce beau plan de l’épisode 2 dans lequel Dostoïevski et Maria sont séparés par le reflet du mari allongé) et qui donnent lieu à des compositions d’image remarquables. De même les éclairages d’intérieur sont très travaillés et constituent à maintes reprises de véritables tableaux. On pourrait multiplier les exemples de scénographie signifiante tels ces personnages isolés dans un décor de colonnes, ou en sur-cadrages sans épuiser la richesse d’une série qui joue aussi bien sur l’humain dans ce qu’il a de complexe que sur le rôle importants d’objets (les fers, le couteau de jardin, les tapisseries...). Parfois le montage également devient signifiant : la roulette du casino se transforme ainsi à plusieurs reprises en roue, que Dostoïevski poussait au bagne.
Les lignes qui précèdent peuvent donner l’impression d’une biographie froide et théorique ; mais cet écueil est évité par la multiplicité des séquences passionnées, où les sentiments s’expriment, se voient et se ressentent. Les différentes femmes de l’écrivain sont évoquées dans la complexité de leur caractère, jusqu’à la forte et dévouée Anna. L’addiction au jeu et les problèmes d’argent donnent des scènes fiévreuses et poignantes. Enfin le réalisateur évite souvent le pathos pour évoquer les différents drames vécus par Dostoïevski : que l’on songe à la mort de son fils, qu’une voix off et une photo suffisent à rendre émouvante.
On le comprend, malgré quelques défauts mineurs comme une musique envahissante et des ralentis injustifiés, la série brille par sa complexité et la richesse de son sujet comme de sa mise en scène.
Une curiosité pour les téléspectateurs français : les scènes parlées dans d’autres langues sont doublées en russe par dessus les voix originales.
LE TEST DVD
Les suppléments :
0
Il n’y en a aucun. C’est d’autant plus dommage que des précisions sur le contexte historique pourquoi pas dans le cadre d’un making-of, auraient été les bienvenus.
L’image :
Les scènes d’intérieur sont précises et bien définies. Quelques fourmillements dans les extérieurs, mais la copie proposée est de bonne qualité.
Le son :
Disponible sur une seule piste stéréo, il manque de finesse : les voix sont artificiellement grossies, et ce que l’on gagne en subtilité chez les acteurs est perdu en naturel. La série avait été diffusée sur Arte en version française ; ici seule la version originale sous-titrée est proposée.
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