Dope Rider, pour une poignée de délires – Paul Kirchner - la chronique BD

Paul Kirchner nous offre un héros fort réjouissant. Et l’on pourrait même dire un super-héros, car Dope Rider, outre sa capacité à fumer tout ce qui passe, possède un super-pouvoir. Il crée sa propre réalité, dépendante de la quantité de drogue consommée.
Les gags en une page se succèdent pour se terminer en apothéose avec un récit de quelques planches qui soulève la question qui nous brûle tous les lèvres : mais d’où vient le Dope Rider ?

Il ne s’agit pas là de gag classique dans la lignée comique des histoires en une page. Dope Rider nous entraîne dans un rire psychédélique et surtout un décalage absurde. Entouré de ses fidèles amis, le Chef, vieil indien pas si philosophe que ça, la belle MJ et Tatty bien sûr, le Rider navigue sans souci dans un monde déliquescent et sa folie douce, ce choc des réalités dues à la fumette ne pose de souci à personne. Pas plus à Manny, la mante religieuse aux instincts commerciaux très développés, qu’à ses compagnons de défonce. Le seul qui semble en pâtir est Wild Bill, l’ennemi juré du Dope Rider.
Le protagoniste n’a aucune limite, et les dimensions déglinguées qu’il traverse, du dernier saloon sur terre à la boutique déserte du chef, n’entame jamais sa bonne humeur.
D’ailleurs, concrètement, seul l’absence de dope peut l’agacer.

Le graphisme de Paul Kirchner tire sur des couleurs folles, vives, claires et son trait rappelle celui des comics des années soixante (et pour cause, puisque c’était une grande période pour la ganja). En face de chaque gag se trouve un dessin unique, une case au milieu de la planche, où se déroule un récit muet tout aussi fou que les autres, que l’on suit à chaque fois que l’on tourne la page. Pas de dialogue, juste le personnage dans toute sa splendeur, et un pétard.
La composition des historiettes suit l’éclatement de la réalité, et il ne pouvait pas vraiment en être autrement. Les cases se chevauchent, se superposent, sont de tailles variées, et parfois disparaissent dans des mélanges graphiques hallucinés de formes et de couleurs. Malgré le délire ambiant, Paul Kirchner se fend d’un énorme travail de précision quand il interprète sur le papier les réalités du Dope Rider. Et ce pour notre plus grand plaisir de lecteur sobre.

Dope Rider, pour une poignée de délires vous ouvrira les portes de la perception. Suivez-le sans hésiter, mais attention, car entre deux crises de fou rires, vous risqueriez bien de perdre votre chemin...