Le 19 juin 2020
Un documentaire plutôt riche sur trois stars vocales des années 90 : Whitney Houston, Mariah Carey et Céline Dion.
- Réalisateur : Sophie Peyrard
- Genre : Documentaire
- Date télé : 19 juin 2020 22:35
- Chaîne : Arte
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Critique : Les plus réfractaires à leur voix respective les appelleront "braillardes". Mais même si l’on ne goûte pas les envolées de ces trois stars des nineties, on suit avec intérêt ce documentaire, quoique le propos au lexique hagiographique ("Panthéon", "divinité") hérisse un peu le poil.
Mariah Carey, Whitney Houston et Céline Dion étaient certes des vedettes, mais l’adulation dont elles ont fait l’objet permet de remettre le propos en perspective pour documenter l’histoire de la "diva", le phénomène datant de la cantatrice italienne Giuditta Pasta, qui subjugue les foules au XIXème siècle. Le terme prendra une dimension planétaire avec l’incontournable Maria Callas, sa vie mouvementée participant aussi du mythe, qui se décline ensuite selon des avatars plutôt variés (de la militante Aretha Franklin jusqu’à la complète Barbra Streisand, à la fois chanteuse et actrice).
A travers les commentaires sur la fameuse "Trinité vocale", les intervenants esquissent une tentative de définition de la diva. C’est sans doute Camélia Jordana qui aboutit à la meilleure formulation : "peu importe ce qu’elle chante, c’est bouleversant", même si on enlèverait volontiers le deuxième segment de la phrase en ce qui concerne la triade bien connue. Etendue vocale et longueur de souffle n’empêchent pas que leurs tubes baignent dans une sauce mélodique insipide.
Cela dit, on est très intéressé que le documentaire aborde la question du chant, d’un point de vue technique : on aborde le fameux fa aigü en voix de poitrine que Céline Dion tient pendant huit secondes, lorsqu’elle reprend le hit d’Eric Carmen, "All by myself". Une performance, comme un trip axel avec double lutz. On parle également de la voix de sifflet dont Mariah Carey a fait sa marque de fabrique ou du mélisme qui consiste à chanter plusieurs notes sur une syllabe, sortes d’arabesques autour d’un signe : Whitney Houston en est devenue une notoire représentante, qui recycla cette technique, notamment à travers le chant grégorien dans les gospels qu’elle interprétait dès son plus jeune âge. Très bien, mais la ringardise artistique d’un morceau comme "How Will I Know" prend le pas sur ce qu’on peut penser des capacités vocales de la défunte artiste.
On prêtera aussi une oreille attentive à tout ce qui concerne les identités culturelles incarnées par ces trois chanteuses, la manière dont leur art a pu leur permettre d’évoquer une spécificité propre à une histoire personnelle, par exemple liée à un pays enclavé (Céline Dion), et en même temps de réussir à orchestrer un crossover musical qui leur a ouvert les marchés du monde entier.
Ces voix majuscules qui chantent des thèmes à leur image (l’Amour, exemplairement), avec un excès de sentimentalisme, contribuent aussi à la perpétuation des stéréotypes de genre, vêtements compris. Accompagnées, couvées par de puissants tycoons de l’industrie musicale, elles illustrent un monde de l’avant #MeToo, où les hommes du show-business détenaient les clefs de l’image féminine façonnée, fabriquée pour le public.
Car il ne suffisait pas de savoir chanter, il fallait aussi être une image suffisamment iconique, avec un décorum adéquat (strass, glamour) conçu pour séduire le male gaze, tout en demeurant fidèle à une certaine orthodoxie de la diva, l’adjectif "capricieuse" arrivant à grandes jambes, pour circonscrire le droit à la goujaterie, en faire l’apanage des seules stars masculines. Dès lors, la vedette devient conforme au cliché de la femme difficile, même si la transgression fait aussi partie de ce que le public demande à ses idoles, comme le note très justement un des commentateurs.
Trente ans après, que reste-t-il de Céline Dion, Mariah Carey, Whitney Houston ? Des batailles entre fans pour savoir qui a la plus belle voix. Mais, mis à part ce don anatomique, le reste est vraiment passé comme le café.
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