Le 29 novembre 2018
Ludovic Vieuille fait les devoirs avec son fils et se filme. Un documentaire salutaire, qui interroge l’efficacité de notre système éducatif.
- Réalisateur : Ludovic Vieuille
- Genre : Documentaire
- Distributeur : Saint-André des Arts
- Durée : Oh59min
- Date de sortie : 23 janvier 2019
- Plus d'informations : Le site officiel
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Résumé : Quatre années durant, à travers le rituel des devoirs scolaires, le réalisateur a filmé une émouvante relation père-fils, révélant avec humour les contradictions d’un système éducatif à bout de souffle. Soixante minutes, chaque jour. Avec Angelo, mon fils, c’est la durée moyenne que prennent les devoirs d’école. Les jours, les mois, les années se suivent, rythmés immanquablement par cette heure passée ensemble. L’angoisse de l’échec scolaire face à l’enthousiasme d’apprendre. Une heure, une bataille, une relation père-fils.
Notre avis : Un père, son fils, des devoirs à faire. Le tout filmé en une succession de plans fixes, qui illustrent la monotonie d’une corvée scolaire pour laquelle ni l’un ni l’autre n’ont vraiment d’appétence. Les énoncés des exercices se juxtaposent dans leur sécheresse rebutante : ils ne correspondent en rien à ce qui peuple l’imaginaire d’un enfant. Il sera question de propositions subordonnées relatives, de conjonctions, de numérateurs, de dénominateurs. Tous ces concepts font écran avec la réalité de l’existence d’un jeune collégien, pour normer son appréhension du langage et du monde. "Pourquoi ils font pas des mots plus faciles à comprendre ?", s’interroge judicieusement l’enfant, qu’on force pourtant à ingérer une bouillie de savoirs, sans doute convaincu qu’on s’arrache de l’ignorance par une méthode qui emprunte les chemins de l’ennui et impose l’abstraction comme modèle.
Lorsque des problèmes de mathématiques sont à faire, pas plus connectés à des situations concrètes que le reste, le résultat n’est pas meilleur : après avoir épuisé son stock de commentaires, le père termine le travail, tandis que le buste d’Angelo s’agite. Les doigts impriment au visage l’ordre d’une grimace, se tordent de lassitude. Le garçon devient un personnage de Folon ou un poème de Prévert. On l’a déjà vu en milliers d’exemplaires, dans les classes, dans les maisons ou ailleurs. Il bâille, le corps contraint à des postures statiques, des heures durant, il maltraite ses cahiers, il multiplie les ratures, il regarde par la fenêtre. Les punitions s’enchaînent, les ponctuations outrées s’accumulent sur les carnets. L’enfant ne change pas.
Le père, quant à lui, dit sa crainte de ne plus être aimé par son fils, à cause des devoirs. Il se souvient aussi, qu’à la manière de Daniel Pennac, dont Chagrin d’école inspire le film, il ne fut pas ce bon élève que les enseignants cajolent. Il fut ce petit garçon hanté par la peur "du redoublement, de l’échec scolaire, de la mise à l’écart dans la course effrénée à un apprentissage impitoyable", cet enfant dont Riss, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, a brossé il y a quelques semaines un formidable portrait, à travers une chronique autobiographique. Loin des polémiques sur l’autorité ou l’absence d’autorité dans les établissements scolaires. Loin du hashtag "Pas de vague".
Parfois, ce père, bien malgré lui, adopte les postures et le langage des maîtres, dans un mélange de culpabilisation et de coercition. Comment pourrait-il en être autrement ? La peur d’une contre-performance à l’évaluation se convertit en craintes plus lointaines, en anticipations d’un futur où échec scolaire rime avec déclassement social. "La joie d’apprendre est soumise à cet épée de Damoclès" résume métaphoriquement la voix off du réalisateur, en évoquant les notes, qui déterminent l’avenir des individus scolaires, les quantifient aussi sur le modèle des compétences managériales, avant de les projeter en powerpoint d’entreprise sur des murs à conseil de classe, pour adouber les meilleurs de cette implacable compétition et tancer les moins productifs.
Drôle d’école républicaine, en vérité. Plus d’un siècle après sa création, on a l’impression que rien n’évolue : le bonheur des élèves ne constituant pas une priorité sociétale, on ne s’étonne pas que lors d’une scène en voiture, la radio commente, par la voix d’une journaliste accablée, la dégringolade des petits Français dans le classement PISA. Le dogme néo-libéral, appliqué à l’éducation des enfants, impose des résultats mesurables. Sans se demander si ce que les élèves travaillent leur plaît, sans se souvenir de ce qu’avait déjà compris Rousseau dans Émile ou De l’éducation : "Notre manie enseignante et pédantesque est toujours d’apprendre aux enfants ce qu’ils apprendraient beaucoup mieux d’eux-mêmes". Mais qui lit le premier des pédagogues, aujourd’hui, à l’Education Nationale ?
© GIRELLE PRODUCTION / BIP TV / 2016
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