Le rideau sur l’écran est tombé
Le 5 décembre 2011
Dans le dernier film de Laurent Achard, le héros fait son "cinéma"... un cinéma aux accents très macabres. Sombre et froid, Dernière séance intrigue par son formalisme, poussant parfois le jeu stylistique jusqu’à la raideur...
- Réalisateur : Laurent Achard
- Acteurs : Pascal Cervo, Karole Rocher, Nicolas Pignon, Charlotte Van Kemmel
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 7 décembre 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Locarno 2011
L'a vu
Veut le voir
Dans le dernier film de Laurent Achard, le héros fait son "cinéma"... un cinéma aux accents très macabres. Sombre et froid, Dernière séance intrigue par son formalisme, poussant parfois le jeu stylistique jusqu’à la raideur...
L’argument : Un jeune homme, Sylvain, voue sa vie à un cinéma de quartier condamné à disparaître. Il habite au sous-sol de la salle ont il est à la fois programmateur, projectionniste et caissier. Chaque nuit, après la dernière séance, il sort pour un rituel meurtrier...
Notre avis : Un parfum de mort plane sur Dernière séance… La mort physique, bien entendu, convertie en meurtres et fantasmes de mutilation par l’intrigue du film, mais également une mort symbolique, celle d’ « un » certain cinéma dont les représentants traditionnels (le public curieux et ouvert, le critique dont la figure pointe grâce à l’apparition de Noël Simsolo, ou encore le ciné-fétichiste) seraient voués à la disparition. A la mort de son cinéma de quartier – et derrière laquelle on sent comme une angoisse à demi-avouée vis-à-vis la mort de la pellicule –, le personnage principal répond par la mort donnée aux autres ; il tue moins par représailles ou désir de vengeance que pour commettre un acte concomitant, parallèle, presque manqué. La construction du suspense nous fait certes remonter aux éléments qui sont présentés comme la véritable raison de cette folie meurtrière (l’explication solidement psychanalytique, qu’on croirait copiée et collée d’un scénario de Hitchcock), mais comment éviter la mise en parallèle de la fermeture du lieu tant chéri et de la pulsion de destruction ? Dans un univers et un style radicalement différents, c’était un peu le discours de Quentin Tarantino dans Inglorious basterds : une mort d’honneur, c’est une mort en séance, devant la projection de bobines qui, à force de défilement, finissent par s’évanouir.
Laurent Achard aime la(es) forme(s), et cela se ressent fortement dans Dernière séance. La sophistication de la photographie, la précision des cadres offrent une sorte de chorégraphie visuelle permanente, qui mène parfois la beauté esthétique du film jusqu’aux frontières de la raideur. Le cinéaste sait exploiter l’architecture indéfinie de ces espaces à mi-chemin entre banlieue et province – le paysage de cette « France » ni belle ni moche, et qu’on ne voit pas souvent au cinéma. La mine faussement sage et ordinaire de Pascal Cervo se glisse à merveille dans ce monde de surfaces qui menacent à chaque instant de se rompre. Dommage, pourtant, que le film ne profite pas davantage de ces possibilités de tension, et s’enfonce progressivement dans un rythme linéaire, qui nous propose un personnage pris dans une errance pâteuse, plutôt que de se trouver en proie à un véritable conflit intérieur. C’est d’autant plus regrettable que sa partenaire Charlotte Van Kemmel, au physique passe-partout et à la voix vacillante, lui offre un miroir fragile et troublant. A deux, ils essaient de s’engouffrer, chacun à sa manière ratée (le cinéma de province et le théâtre amateur) dans la magie du septième art, pour traverser l’écran et rejoindre le monde de paillettes de French cancan. Le film campe dès lors une position paradoxale : alors que ses protagonistes ne cessent de chercher à s’extraire du quotidien, la mise en scène éprouve encore comme une réticence à s’engager dans un registre extraordinaire. Signe révélateur, peut-être, d’une hésitation entre deux époques.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.