Le 23 avril 2020
Un thriller social dans l’air du temps, en plusieurs épisodes. Tiré du récit de Pierre Lemaitre, Dérapages lorgne sur le cinéma de Boisset. Le premier opus, diffusé ce soir, est plus généreux que transcendant.


- Réalisateur : Ziad Doueiri
- Acteurs : Éric Cantona, Suzanne Clément, Alex Lutz
- Genre : Drame
- : Arte
- Durée : Série de 6 × 52 min
- Date télé : 23 avril 2020 20:55
- Chaîne : Arte

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Résumé : Alain Delambre est un homme que le chômage a détruit. Contre toute attente, sa candidature est retenue pour un poste de DRH. Alain veut y croire à tout prix, quitte à mettre sa famille en danger. Quand il comprend qu’il n’est qu’un faire-valoir pour conforter une candidature déjà retenue, il profite de l’épreuve finale pour dynamiter le système. Alain n’a alors plus rien à perdre...
Critique : Premier plan. Regard caméra. Le personnage dit en quelques mots son histoire, celle d’un précaire social, que les injustices du monde néo-libéral ont poussé à bout. Reste à déterminer quel bout et c’est tout l’objet de cette mini-série, tiré du récit Cadres noirs de Pierre Lemaitre, qui avait obtenu le prix du Polar européen il y a dix ans. Ancien DRH licencié puis condamné à exercer des petits métiers mal payés ("des jobs minables"), Alain Delambre est l’exemplaire lambda d’une longue liste de réprouvés que les sociétés occidentales génèrent depuis tant d’années. Comment ne pas compatir à son destin ? Mais globalement, le dispositif agace, parce que le protagoniste fait les sous-titres, le regard en dessous, prenant le spectateur à témoin, donnant l’impression d’énoncer des évidences au kilomètre, même si elles sont évidemment documentées par l’actualité quotidienne. L’acteur fait ce qu’il peut, mais il n’est pas servi par des dialogues étincelants ("cette femme était magnifique, elle était touchée par la grâce", "je cherchais du boulot comme les chiens pissent sur des réverbères").
Toutefois, il y a ce jeu machiavélique organisé par le PDG d’une entreprise, Alexandre Dorfmann : il s’agit de tester la loyauté des cadres de la boutique, en organisant une fausse prise d’otages. Le cynisme de l’idéologie néo-libérale poussé jusqu’au flingue (soit la soumission, soit la mort) croise aussi des intentions darwiniennes, où il s’agit de voir qui survivra à l’extrême. L’objectif : dégager le profil du meilleur recruteur et du meilleur salarié, comme dans un simulacre de télé-réalité.
La mise en scène, volontiers démonstrative, avec des typologies très marquées, évoque les brûlots d’Yves Boisset (on pense beaucoup au Prix du danger) : de bonnes intentions, mais une caméra bien pataude, capitalisant sur des effets prévisibles. Dans le rôle d’un anti-héros, poing armé de ce thriller social, Eric Cantona manque singulièrement de subtilité. Mimiques attendues, colère rentrée ou tonitruante, sanglots factices dans la voix, il ne surprend pas. Alex Lutz convainc davantage dans le rôle d’un dirigeant cynique, même si son personnage n’est pas esquissé au point d’Alençon. Bref, ce premier épisode de Dérapages laisse plutôt perplexe.