Le 21 octobre 2024
Un roman dans la « zone grise » de la morale, puisqu’il questionne à la fois notre humanité et nos consciences. L’atmosphère n’y est qu’angoisse, sans qu’aucun retour en arrière ne semble possible. Cauchemardesque.
- Auteur : David Coulon
- Collection : Nuit blanche
- Editeur : Fayard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Titre original : Demain Disparue
- Date de sortie : 7 février 2024
- Plus d'informations : Lire un extrait
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Résumé : Lif et Romuald sont invités à dîner chez des amis, à la campagne. Ce soir-là, une tempête est annoncée et dans leur couple, l’ambiance est tout aussi orageuse. L’arrivée dans le village est des plus glauques : maisons barricadées, pas âme qui vive et les amis qui les accueillent semblent éteints. Clairement, personne n’a envie d’être là.
Critique : Dans la tête de Lif, tout est embrouillé. Sur le trajet en voiture qui les conduit, Romuald et elle, chez leurs amis à la campagne, ses pensées retracent leur histoire et tout ce qui ne va plus : la vision du monde, les envies, les projets. Quand ils approchent de la maison de leurs amis, au sein d’un village barricadé, l’atmosphère se fait encore plus oppressante. Dans cette première partie, l’auteur impose un contexte moite, où l’on devine, comme une tempête, qu’il faut craindre ce qui va arriver. Ici, tout est bizarre et Lif le sent. Certains signes ne trompent pas et il va falloir se rendre à l’évidence : quelque chose ne tourne pas rond. Le procédé est classique, mais il reste convaincant : le lecteur se retrouve dans les pensées de Lif, a envie de lui crier de partir, d’arrêter les faux-semblants. L’auteur nous a bien embarqués.
Lorsqu’elle parcourt le village, on pense à La route, de l’immense Cormac MacCarthy, quand la survie du père et de son fils est en jeu. Mais là, ce n’est pas le style qui domine, c’est le rythme. Les phrases courtes, haletantes, la tension constante, tous ces procédés font partie de la signature de David Coulon. Il sait piocher dans les angoisses de la société pour les incarner. Ici, il se saisit de l’éco-anxiété, cette angoisse moderne d’un monde sans issue, en raison des conséquences du réchauffement climatique. Il interroge la responsabilité de tous ou seulement de quelques-uns, nos priorités et, surtout, ce qui nous définit dans la société. L’auteur choisit une héroïne pour aborder tous ses sujets, à travers une aventure qui se veut à la fois allégorique, mais aussi terriblement prosaïque.
Ce qui peut surprendre dans ce roman, c’est l’absence de morale. La violence est exposée, sans excès, brute, sans sidération, comme naturelle. L’auteur y explore le thème de la dualité entre l’humanité et la nature. Là où certains pourraient voir un roman d’anticipation, il faut avoir à l’esprit qu’il ne s’agit que d’une légère distorsion du réel, où tout est plausible. En focalisant l’intrigue sur Lif, l’auteur fait délibérément le choix de jouer sur la part animale du personnage : dès les premières pages, nous sommes plongés dans ses pensées, à travers ses réactions instinctives. L’écriture fait particulièrement attention aux sensations, aux odeurs, aux goûts, au toucher et à notre perception sensible du monde.
Aucune pause n’est accordée. Tout s’enchaîne, sans détails anodins, le récit étant ponctué d’épisodes marquants. Certains passages peuvent être dérangeants, glauques, mais toujours justifiés. Pour renforcer la sensation d’étouffement, tous les lieux sont des endroits fermés, comme pour mieux nous faire attendre l’inéluctable. Le titre ne laisse pas de place au doute : Demain, disparue.
Les phrases courtes, le style simple s’avèrent relativement efficaces. Le rythme est haletant et chaque scène s’avère utile ; il s’agit clairement d’un polar. En ce sens, si la tentation est grande d’y voir un discours politique ou philosophique, il faut se rappeler que l’intention première reste de maintenir le suspense. De ce côté-là, les surprises s’enchaînent, les péripéties également, abandonnant parfois la vraisemblance. On se met alors à réfléchir à nos réflexes de survie, à se mettre à la place des personnages et surtout, à tenter de comprendre tous les points de vue. Quelles seraient nos limites face à la contrainte, la survie pour nous ou nos proches et, surtout, y sommes-nous préparés ? Les réponses sont plus floues qu’il n’y paraît, ce qui laisse ainsi la place à l’imagination. Dans cette frontière entre ce qui pourrait arriver et ce qui va arriver, à nous de placer le curseur.
Difficile d’écrire sur ce roman sans dévoiler le twist qui apparaît très tôt. Si on n’est pas claustrophobe, éco-anxieux ou amateur de suspense, on peut tourner les pages de ce récit sans ennui, et on se demande quand soi-même on aurait réagi à tant d’alertes.
272 pages
20.90€
Ebook : 14.99€
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