Décès de Jean-Pierre Marielle

News : La formule est certes usée, mais on peut vraiment dire qu’avec Jean-Pierre Marielle, c’est toute une époque du cinéma français qui s’en va, celle de l’après-guerre qui révéla une génération d’acteurs, mais aussi de copains : Noiret, Rochefort, Belmondo... Aujourd’hui, la voix grave de Jean-Pierre Marielle, reconnaissable entre toutes, s’est éteinte. L’acteur avait 87 ans. D’abord connu pour ses rôles comiques, à travers des personnages souvent truculents voire grivois (on pense au film culte de Joël Séria, Les Galettes de Pont-Aven), il avait aussi montré toute l’étendue de son registre en incarnant des rôles dramatiques, comme dans le magnifique film d’Alain Corneau, Tous les matins du monde, où il jouait un hiératique Monsieur de Sainte-Colombe. Initialement, Marielle est comédien de théâtre, lauréat du sélectif concours du Conservatoire national, dont il était ressorti avec un second prix de comédie classique, en 1954. C’est à cette époque que l’artiste se lie d’amitié avec d’autres acteurs qui deviendront pour beaucoup des stars, comme Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, Annie Girardot, Bruno Cremer, ceux que l’on a appelés "la Bande du Conservatoire", qui comprenait également Philippe Noiret, même si ce dernier ne fréquentait pas l’établissement.
Après des second rôles dans les années 60, au côté de Louis de Funès, Yves Montand ou Catherine Deneuve, le comédien devient très populaire au cours de la décennie suivante, sous la direction de réalisateurs à la sensibilité très variée (Claude Berri lui fit jouer le rôle d’un dentiste pervers dans Sex-Shop, Georges Lautner le rendit le plus souvent invisible dans La valise et, à la marge, Bertrand Blier en fit un phallocrate dans le très polémique Calmos). Peu à peu, la carrière de Marielle s’infléchit vers des incarnations de plus en plus troubles ou dramatiques : on se rappelle qu’il joua un quadragénaire amoureux d’une adolescente. Le film s’appelait Un moment d’égarement, sorti en 1977. Quatre ans plus tard, Tavernier lui offrait un double rôle dans Coup de torchon, où il campait notamment un proxénète immonde (sa prestation lui valut une nomination au César du second rôle). Les années 90 seront celles de la confirmation et des grandes prestations qui emporteront à la fois l’adhésion du public et celle des critiques : un rôle se détache, bien évidemment, celui de Tous les matins du monde, pour lequel Marielle est, une nouvelle fois, nommé aux César, dans la catégorie du meilleur acteur. Mais le trophée revient à Jacques Dutronc. Pas grave : le perdant n’accordait pas une importance particulière - c’est le moins qu’on puisse dire - à ce trophée.
Les années 2000 et 2010 permettront encore au célèbre moustachu d’alterner les rôles comiques et les prestations plus sombres, avec plus ou moins de réussite (on ne garde pas un souvenir impérissable du film de Blier, Les acteurs, ni d’Atomik Circus, mais on n’a pas oublié le rôle du procureur Pierre-Ange Destinat dans Les âmes grises, en 2005). Parallèlement, Marielle n’avait pas négligé le théâtre et avait même obtenu un Molière du meilleur comédien pour son interprétation dans Le Retour d’Harold Pinter, en 1994.