Lost in Time
Le 9 décembre 2022
Une série qui nous plonge dans les mécanismes d’une savante horlogerie de voyages dans le temps. Sophistiquée et hypnotique, voire trop, au point d’en perdre parfois le fil…
- Série : DARK
- Réalisateur : Baran bo Odar
- Acteurs : Karoline Eichhorn, Louis Hofmann, Oliver Masucci
- Genre : Drame fantastique
- Nationalité : Allemand
- : Netflix
- Durée : 18 épisodes de 44 à 60 minutes (S1 et S2)
- VOD : NETFLIX
- Chaîne : NETFLIX
- Date de sortie : 1er décembre 2017
Résumé : 2019, Winden, une petite ville allemande. Quatre familles affolées par la disparition d’un enfant cherchent des réponses et tombent sur un mystère impliquant trois générations qui finit de les déstabiliser.
Critique : Dark, série originale Netflix allemande, va vous prendre sévèrement la tête. On ne va pas spoiler, en disant qu’il s’agit d’une histoire ou plutôt d’histoires de voyages dans le temps. Le premier épisode de la saison 1 s’ouvre sur une citation d’Albert Einstein : « La distinction entre le passé, le présent, le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle ». Puis suivent des plans serrés sur des photos plus ou moins jaunies, de personnes à différents âges, avec une voix off qui reprend la phrase d’Einstein et conclut : « Hier, aujourd’hui et demain ne se succèdent pas, ils sont connectés dans un cycle sans fin. Tout est connecté. ». Plan large d’un mystérieux mur en béton, sur lequel sont punaisées lesdites photos reliées par des fils. C’est parti, nous sommes le 21 juin 2019. Mais comme cette saison date de décembre 2017, on comprend immédiatement que les scénaristes ont quelques coups d’avance pour nous enfumer.
- Copyright Netflix
Nous enfumer ou nous prendre la tête, c’est le principe même des voyages spatio-temporels. Une vanne de professeur de mécanique quantique consiste à demander à ses élèves si le cours était clair. S’ils disent oui, le professeur leur répond alors qu’ils n’ont strictement rien compris. Et comme personne ne pige rien, les auteurs du genre s’appuient à loisir sur les théories de la relativité d’Einstein, la mécanique quantique ou les fameux trous de ver. Comme ça, on ne capte pas plus ! On repense ému à ce brave Emmett « Doc » Brown de Retour vers le futur, qui, lui, savait vulgariser ces paradoxes spatio-temporels du genre : vous retournez dans le passé et tuez votre père avant votre naissance. Existez-vous alors ? Heu… Sa réponse était simple et carrée, tac tac badaboum : vous avez créé un nouvel espace temps et vous êtes dans un autre univers, idée recevable au passage, mais qui nécessite Bac+15 pour la comprendre.*
Dans Dark, pas d’Emmett « Doc » Brown et surtout encore moins de nouvel espace-temps possible, mais un seul et « unique », puisque dès l’épisode 3 de la saison 1, on pige le truc, comme l’a précisément dit la voix off à la première minute (donc on ne spoile rien, paradoxe temporel, CQFD). Les scénaristes nous embarquent surtout dans l’aporie suivante : vous partez via un « truc » dans le passé et pour une raison x ou y, vous ne pouvez pas revenir. Le temps s’écoule et arrivent enfin le jour et l’année de votre départ. Vous retournez chez vous et sonnez. Qui ouvre la porte, sachant qu’il n’y a qu’un seul espace-temps ? Qu’est-ce qu’il dit, le « Doc », sur ce coup ? On s’en fiche, puisque les créateurs de Dark y répondent avec un talent d’acrobaties d’écriture de haute voltige, car ces sujets sont souvent casse-gueule.
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Si une partie des héros sont lycéens, on est loin de Stranger Things, malgré des comparaisons qui s’imposent : groupe de jeunes donc, histoire qui se déroule également dans une petite ville où tout le monde se connaît, pas de laboratoire secret, mais une centrale nucléaire où manifestement il se passe un truc louche, pas de shérif, mais des flics qui vont mettre leur nez dans un sacré sac de nœuds et enfin une forêt, théâtre de phénomènes étranges. Sauf que ça deale et fume, ça trompe et baise, qu’il pleut beaucoup et que comme le titre l’indique, c’est vraiment dark.
Un dark donc, allemand, qui peut rebuter le spectateur « formaté » par le style des séries anglo-saxonnes ou victime d’un traumatisme passé, genre Derrick**. Oubliez ces a priori, car la première saison est furieusement addictive, en livrant un savant travail d’horlogerie narrative, chaque épisode apportant de nouveaux engrenages, roues et ressorts. Autant de pièces de plus en plus sophistiquées, qui s’empilent pour nous plonger, avec ses protagonistes, dans un infernal mécanisme hypnotique à l’image du générique des épisodes. Sans spoiler, on se limitera à dire que le « truc » pour voyager dans le temps est précisément un des enjeux de l’intrigue - c’est une des trouvailles de la série - tout comme une « résolution » du paradoxe évoqué. Le final est ahurissant, nous laissant dans un état d’attente insupportable quant au destin du personnage principal, Jonas, mais aussi d’un père et son fils, un mystérieux prêtre, cette foutue centrale, cette grotte dans la forêt où…
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En attaquant la saison 2, dont la trame devait être avancée, en même temps que la production de la saison 1, on se dit qu’on va avoir droit à des explications sur les sorts des uns et des autres, à commencer par celui de Jonas (on ne spoile pas, on ne spoile pas !). Pas vraiment en fait, puisque les scénaristes continuent méthodiquement leur travail d’horlogers, et empilent de nouveaux engrenages. Sur les premiers épisodes cela fonctionne, voire de façon redoutable, puis doucement on a l’étrange sensation que le mécanisme se grippe. Les enchevêtrements deviennent de plus en plus tordus et on se demande si on n’aurait pas dû prendre des notes plus tôt, même commencer à faire un mur, comme celui qui est présenté à la première minute de saison 1 ; nom de Zeus, encore un paradoxe temporel ! Si on finit dans un grand bain de nœuds temporels où on n’a plus pied, on se laisse aller à faire la planche, bercé par une réalisation sophistiquée, emporté par cette immense galerie de personnages tous incarnés (il y a des gueules !) et bien interprétés, éblouis par des décors mystérieux, des reconstitutions d’époques soignées, des lumières ; bref, c’est beau et malgré des rebondissements auxquels on ne pige plus grand-chose, mais on s’en fout, on est toujours hypnotisé… C’est encore la faute au générique, à coup sûr !
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Revenons aux dix premières minutes de l’épisode 1 de la saison 1, avec son éblouissant plan-séquence dans un double living, où se croisent les membres d’une famille au petit-déjeuner. Ça va, ça vient entre canapé, table du séjour, salon, portes des deux-pièces… le tournis ! Le petit dernier, fan de magie, fait un tour à son père qui est bluffé et lui demande comment il a fait. Le fiston de répondre : « Papa, la question ce n’est pas comment, la question c’est quand ? ».
Netflix et les créateurs de la série ont annoncé qu’il n’y aura pas de saison 4, pour éviter de tomber dans le syndrome Lost, auquel on pense inévitablement avec inquiétude, après le furieux twist final de la deuxième saison. La saison 3 est actuellement en tournage. Rendez-vous donc en 2020, sachant que maintenant « la question ce n’est plus quand, mais comment ? ». Si ce dernier volet y répond et rend l’ensemble « limpide », alors la trilogie Dark risque d’entrer dans l’histoire du genre, avec son traitement assez inédit du voyage spatio-temporel.
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PS : nous avons volontairement évité d’évoquer un chef-d’œuvre du genre, L’armée des 12 singes.
PPS : le PS est un paradoxe.
(*) On s’apprête à prouver l’existence de la chose…
(**) Si nous n’avez pas fait allemand en LV1, la version doublée française est très bien.
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Nat06 8 novembre 2020
DARK saisons 1 & 2 - la critique de la série
Super le résumé, très bien vu, le meilleur que j’ai lu sur le net sur la série !
c’est exactement ça, très addictif, même si des fois on se pose beaucoup de questions, j’ai pas trouvé toutes mes réponses sur le net d’ailleurs :/
et difficile aussi de suivre avec les prenoms et noms allemands ! d’autant que des fois, ils ont plusieurs noms !! (adam/jonas, entre autre..)
mais super série, on commence et on n’arrete pas avant la fin ! :)
Kirzy 14 février 2021
DARK saisons 1 & 2 - la critique de la série
Totalement d’accord avec votre chronique rédigée par François Roque.
Cette série est terriblement addictive. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, juste se laisser porter par un scénario brillant, retors qui fait cogiter. La musique et les images parachèvent l’hypnotisation en marche.
Et tant mieux qu’il n’y ait pas de nouvelles saisons, cela n’aurait pas eu de sens et aurait fini par tourner en boucle ( temporelle ).