Le 23 mai 2019
Il y a vingt ans, Patrice Chéreau, acteur et metteur en scène, donnait vie à l’œuvre d’un auteur contemporain : Bernard-Marie Koltès. Quelques spectacles ont propulsé son écriture au rang de classique. Charles Berling a pris le pari audacieux de marcher sur les traces de sa famille théâtrale. Il offre à Mata Gabin le rôle de la dealeuse, heureuse surprise de ce spectacle.


- Acteur : Charles Berling
- Genre : Théâtre (spectacles)
- Salle de Théâtre : La Villette

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Résumé : Un dealer. Un client. Voilà l’un des duos les plus hypnotiques de la littérature théâtrale contemporaine. Entre eux se trame une transaction dont on ignore la teneur. Elle est latente, en tension, saturée de désir, de violence, de peurs viscérales, de mots ciselés. Dans l’obscurité, Koltès dit nos déchéances, nos rapports de force, nos illégalités et nos envies irrépressibles, sensuelles, dévorantes. La mise en scène de Charles Berling met en partage l’écriture de Koltès, fait dialoguer les monologues, place les personnages et leurs solitudes dans un décor immense, si enchâssé aux spectateurs qu’aucun n’en sort indemne. Le dealer est une dealeuse, incarnée par Mata Gabin ; Charles Berling est le client. Leur joute physique et verbale s’imprime dans nos mémoires, et c’est indélébile.
Copyright : Jean Louis Fernandez, 2019
Notre avis : Transi par la fièvre que Chéreau insufflait à ses créations, Charles Berling a pris le risque de quitter le registre fin et introverti dans lequel le grand public le connaît et se propose différent, troublé, passionné. Son ton, habituellement linéaire, aux fins de phrases plates, est remodelé, forcé, distinct. Le comédien se dodeline comme un boxeur sur l’étroite passerelle lumineuse qui le mène de la scène à la salle. Salle de boxe où l’attend Mata Gabin, qui campe avec justesse une dealeuse de pied de tour. Commencent alors les démonstrations de force entre les personnages que Koltès, en théoricien pointu des rapports humains, a étudiés sous toutes les coutures. Les monologues, comme les solitudes, s’enchaînent. Cette rencontre qui poursuit le théâtre étrange de Beckett, met en lumière les peurs et les envies dans les rapports humains.
Mata Gabin est remarquable. Dans le coup ! On la croirait venue de La Colline, non pas le théätre du même nom, mais ce terrain vague de la Porte de la Chapelle, coincée entre les voies, où le crack s’en prend aux réfugiés africains. Mais si elle nous semble parfaitement dans le rôle, c’est probablement parce que Charles Berling n’y est pas tout à fait. Est-ce le texte qui a pris un peu d’âge, malgré les efforts d’adaptation ? Ou est-ce qu’il n’en a pas pris assez ? L’époque est-elle devenue moins intelligente, plus violente, au profit des coups de boutoir obscurantistes, révélateurs des bouleversements du monde ?
Il n’en reste pas moins que l’ennui plane dans l’expression appliquée de ce texte, qu’on attribuerait volontiers à un psychanalyste new-yorkais, amoureux de Stendhal.
Quant au décor, il représente deux murs hauts dessinant une faille éclairée d’enseignes lumineuses et une passerelle endommagée qui traverse devant. Un peu comme celle de l’échangeur de La Colline, distribuant l’autoroute du Nord. Trop bavard ou pas assez ? On hésite, même si c’est bien fait. Les lumières servent loyalement la mise en scène. Les illustrations sonores, violentes et surprenantes, assenées pour rythmer les actes et scènes, sont tout bonnement insupportables. Pourquoi ne pas enduire nos sièges de verres pillés pour nous sensibiliser à la pertinence de la pièce ? Bref... passons sur ce réglage qui n’apporte rien à la représentation. En conclusion, après Chéreau et l’engouement provoqué par la découverte de ce nouveau répertoire, Charles Berling, courageux de se frotter à ce monument du théâtre parisien, se perd un peu... dans les champs de coton, mais contribue tout de même à la découverte d’une jeune actrice.
A voir, si on prèfère cela à la lecture ! A lire, si on ne trouve pas le temps d’aller voir !
Auteur : Bernard-Marie Koltès
Mise en scène : Charles Berling
Conception du projet : Charles Berling, Léonie Simaga
Collaboration artistique : Alain Fromager
Décor : Massimo Troncanetti
Lumières : Marco Giusti
Son : Sylvain Jacques
Assistante à la mise en scène : Roxana Carrara
Regard chorégraphique : Frank Micheletti
Avec Mata Gabin, Charles Berling