Comment épouser un millionnaire
Le 6 novembre 2018
En s’attardant sur la jet set de Singapour, cette comédie dépaysante laisse de côté le réalisme au profit d’un bon moment de divertissement.
- Réalisateur : Jon M. Chu
- Acteurs : Michelle Yeoh, Gemma Chan, Henry Golding, Constance Wu
- Genre : Comédie, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h01mn
- Date de sortie : 7 novembre 2018
- Plus d'informations : Le site officiel du film
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Née à New York, Rachel Chu n’est jamais allée en Asie. En accompagnant son fiancé Nick Young au mariage de son meilleur ami à Singapour, Rachel est donc enchantée de découvrir le continent de ses ancêtres… même si elle redoute un peu de rencontrer la famille de son fiancé. Il faut dire que Nick a omis quelques détails d’importance. Car il est non seulement l’héritier d’une des familles les plus riches du pays, mais aussi l’un de ses célibataires les plus recherchés. Rachel devient alors la cible de toutes les jeunes femmes de la bonne société singapourienne en mal de maris et, pire encore, de sa future belle-mère. Si l’amour ne s’achète pas, l’argent rend les situations parfois bien complexes…
Notre avis : Les producteurs hollywoodiens sont un peu comme le personnage principal de ce feel-good movie : pleins de bonnes intentions, cachant avec le sourire une situation bien plus complexe qu’il n’y paraît. Car derrière Crazy Rich Asians, premier film au casting 100% asiatique depuis des productions telles que Le club de la chance en 1993, nous retrouvons le même leitmotiv que celui qui anime Black Panther : proposer un long-métrage qui réunit un casting exclusivement asio-americain d’un côté, totalement africano-américain de l’autre. Si ces productions contemporaines tendent à faire croire que Hollywood a enfin décidé d’inclure les minorités dans ses films à gros budgets, les projets en eux-mêmes découlent d’un terrible constat : il faut mettre sur les rails des films au casting 100% afro-américain, latino-américain ou asio-américain pour permettre à des acteurs qui, pour la plupart, n’ont jamais mis les pieds ni en Afrique, ni en Amérique latine et encore moins en Asie de décrocher des rôles qui ne sont pas de la simple figuration.
Vivre dans une société multiethnique, passe encore. La représenter au cinéma, ça attendra. Quid d’un remake de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? à Hollywood ? L’industrie n’est clairement pas prête pour ça !
- © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND KIMMEL DISTRIBUTION, LLC / Sanja Bucko
Si l’énorme succès de Crazy Rich Asians au box-office américain depuis août 2018 (150 millions de dollars de recettes) témoigne que le public est en demande de ces films qui favorisent l’inclusion des minorités et seraient donc un meilleur reflet de la société, Hollywood ne parvient pas à se débarrasser de sa mauvaise image d’industrie du divertissement qui serait aux mains des WASP.
Tout cela pour en arriver au premier film hollywoodien contemporain entièrement joué par des comédiens asiatiques depuis vingt-cinq ans. Proposé par le réalisateur américain d’origine taïwanaise Jon M. Chu, le film suit un jeune couple composé d’un riche héritier, né à Singapour dans la bonne société et de sa fiancée ABC (american born chinese), interprétée par Constance Wu, actrice devenue célèbre grâce à la sitcom Bienvenue chez les Huang. Cette série suivait le quotidien d’une famille chinoise, présente aux États-Unis à la suite de la vague d’immigration taïwanaise des années 90 ; une sorte de Ma famille d’abord version asiatique.
- © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND KIMMEL DISTRIBUTION, LLC / Sanja Bucko
Le scénario de ce conte de fées moderne condense les intrigues de plusieurs films et émissions célèbres qui ont connu un grand succès, montrant par la même occasion que les producteurs n’ont voulu prendre aucun risque. Prince héritier courtisé comme le Bachelor, suivi de près comme le loup blanc, le personnage interprété par Henry Golding rappelle un certain Christian Grey ; le placement de produits intense opéré dans Crazy Rich Asians semble tout droit tiré du matraquage indigeste vu dans l’adaptation des Cinquante nuances de Grey. Aussi bling-bling que Sex and the city 2, et aussi peu réaliste, l’intrigue vue et revue de la jeune femme innocente qui épouse un riche et charmant prince tient uniquement grâce au dépaysement offert par les scènes tournées à Singapour et par une énorme dose d’autodérision.
- © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND KIMMEL DISTRIBUTION, LLC / Sanja Bucko
Le film ne cherche pas à se prendre pour ce qu’il n’est pas : ni révolutionnaire, ni original, il veut simplement faire rire et rêver, en montrant au public lambda tout ce qu’il ne possédera probablement jamais. En s’attardant sur les plus beaux paysages de Singapour, ignorant superbement la classe ouvrière pour ne se concentrer que sur la jet set et sur les bons côtés qui attirent tant de touristes en Asie (la nourriture, la nature, le patrimoine...), ce long-métrage a le mérite de rappeler que non seulement l’argent ne fait pas le bonheur, mais qu’en plus il n’est pas interdit d’en rire quand on en manque.
Grâce à des personnages secondaires flamboyants, entre la copine délurée, le copain fashion victim et le père de famille exubérant joué par un Ken Jeong en grande forme, certaines scènes permettent de passer du rire aux larmes, noyant la faiblesse du scénario dans la comédie de mœurs, se moquant gentiment de la jet set qui n’a pas le sens des réalités et préfère rester en vase clos - concentrant ainsi les critiques d’une société asiatique qui a moyennement apprécié ce film, fustigeant la vision idéalisée promue par une Amérique qui ne sait de toute évidence pas de quoi elle parle.
- © 2018 WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. AND KIMMEL DISTRIBUTION, LLC / Sanja Bucko
Sorti sur les écrans en plein débat sur les inégalités à Singapour, le film ne va pas avoir la même résonance que Black Panther, qui avait suscité un véritable élan anti-raciste aux États-Unis tout en permettant aux Afro-américains de redresser la tête. Trop léger, trop sucré, Crazy Rich Asians évoque à peine les difficultés rencontrées par les Sino-américains, victimes de préjugés et peu représentés, qui auraient pu voir dans ce film l’occasion, enfin, de parler de leurs problèmes d’intégration. Peine perdue : présenter la dernière Rolex® semble ici plus important que porter un véritable message politique, à l’heure où l’immigration semble décidément sur toutes les lèvres.
Préférant miser sur la légèreté, cette comédie romantique propose un simple divertissement, dans la pure tradition des films à regarder sous la couette avec un pot de glace, un soir de déprime. C’est bientôt l’hiver : il arrive à point nommé. Champagne (à fines bulles) !
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.