Coup de tête - Jean-Jacques Annaud - critique

Critique : Bien loin des films à gros budget, qui ont jalonné une partie de sa carrière, Jean-Jacques Annaud a d’abord été un franc-tireur du cinéma français, plutôt sympathique, quand il s’essayait à la satire sociale, surtout lorsque, marchant à coups de crampons sur un totem hexagonal -le football-, il en révélait une image plutôt sombre. Trincamp, qui évoque immanquablement Guingamp, petite ville et très bonne équipe, est une sorte de système féodal où règne en maître absolu le président du club, qui est également le responsable de la plus grande usine du coin. Quelques années avant la reprise de l’OM par l’entrepreneur Bernard Tapie, on peut dire que Veber, l’auteur du scénario, avait plutôt flairé l’air du temps. Toujours est-il que dans cette ambiance délétère, la présence de Perrin est celle du grain de sable : malheureux au jeu (il a blessé le joueur étendard, Berthier), malheureux en amour (la femme qu’il aime est gardée par un cerbère impitoyable, joué par le regretté Bernard-Pierre Donnadieu), le protagoniste est un marginal qui -comble de malchance-, se trouve accusé d’une tentative de viol, parce qu’il a le profil et parce que, surtout, sa ressemblance physique avec le vrai coupable, Berthier, permettra de disculper le chouchou de toute une ville. D’autant que le club fait son trou en coupe de France et qu’un scandale ferait mauvais genre dans le tableau.
Evidemment, ce nœud qui semble inextricable profile un retournement tout aussi spectaculaire, sur le modèle du Comte de Monte Cristo. Devenu le héros d’une commune grâce à deux buts décisifs, Perrin se vengera de tous ceux qui l’ont accusé, son humeur vindicative culminant dans un repas d’anthologie où Dewaere souffle le chaud et le froid, avec l’intensité dramatique dont on le savait capable. Autour de l’acteur principal, une galerie de seconds rôles -Bouise, Aumont, Le Person- excellent à incarner la veulerie dans ce qu’elle a de plus réversible, surtout lorsque les circonstances l’exigent. Devenue culte, cette satire du milieu footballistique manque tout de même de nuances dans sa dénonciation, fixant clairement les lignes de partage à travers un manichéisme outrancier.