Contes saumâtres - La chronique BD

L’adjectif a été bien choisi pour identifier ces contes. Amer, mélange d’eau douce et salé, saumâtre renvoie aux lagunes, aux eaux stagnantes qui ne sont ni des fleuves, ni des mers. Le goût tout d’abord, qui reste en bouche tant les récits sont différents mais toujours surprenants, et surtout n’ont pas la fin heureuse à laquelle Disney nous a habitué. Il suffit de feuilleter La Reine du X, avec Gabrion au dessin, pour comprendre que cela peut partir dans le trash, plus fin mais tout aussi satirique, La princesse aux concombres (dessin de Juillard) attache une importance au contexte, aux sous-entendus, qui traversent chaque récit. Le Barbe blues, avec Rossi aux manettes, présente un travestissement de Reservoir Dogs sous le coup du conte, Le repos du Samuraï  (Mitchez comme illustrateur) opère un détournement de La Belle au bois dormant avec une ambiance japonisante façon Kill Bill. Petites surprises, les deux biographies rapides et drôlissimes de Andersen et Perrault à la façon de Clarke et Cerise, viennent en plus apporter quelques informations sur l’univers des contes au milieu des délires imaginaires ironiques.

© Dupuis

Côté graphique, il faut mentionner la palette diverse et variée des auteurs qui fait la force de ce recueil. De Zep à Hermann, les stars de la BD défilent avec aisance et sans filtres sur de courtes histoires, qui allient souvent couleurs criardes, grimaces exagérées et farces grotesques. Un petite mention tout de même pour le conte saumâtre à notre sens le plus envoûtant, celui de La sirène qui n’avait pas de queue illustrée par Wendling. Une parodie de Disney qui aurait trempé dans du Gotlib (façon Cinemastock) avec un poil de Paris Match, délirant et noirâtre, détrempé et ironique à souhait.

© Dupuis

Dans la pure tradition du détournement que les années 1970, que la presse satirique dans son ensemble a toujours apprécié, Contes saumâtres est une belle aventure, au sens où de nombreux styles d’auteurs et influences de raconteurs se croisent et s’amusent, pour le plus grand bonheur des lecteurs.