Comme une pierre – Luckas Iohanathan – la chronique BD

Critique : Comme une pierre est le premier album traduit en français et le deuxième de son auteur, Luckas Iohanathan, qui s’est fait repérer dans son pays pour O Monstro Debaixo da Minha Cama, récit publié gratuitement sur internet, qui a remporté plusieurs prix au Brésil. Autant le dire tout de suite : Comme une pierre est une pépite. Le récit séduit d’abord par ses qualités littéraires. L’auteur convoque le fantastique, dans la veine du réalisme magique propre à la littérature sud-américaine, pour bâtir une histoire qui fonctionne pratiquement en espace clos autour de la ferme de Cristovao, à l’exception de quelques passages bien sentis – comme celui qui mène Cristovao en ville pour chercher un travail – qui nous font comprendre qu’il n’y a guère d’aide extérieure à attendre. La famille s’interroge : pourquoi un tel malheur s’abat-il sur eux ? Chrétienne pratiquante, le couple cherche des réponses du côté de la religion, en accueillant ce pasteur qui leur lit un passage de la Bible et rappelle la métaphore du voyageur lourdement chargé qui se débarrasse progressivement de son fardeau, qu’il pensait utile à son voyage, mais qui ne fait que l’encombrer. Libéré de celui-ci, il peut librement marcher vers Dieu. Mais ce fardeau, se demande le lecteur, ne serait-il pas leur petite fille ? Alors que la situation de la famille se dégrade de plus en plus, des tensions naissent au sein du couple, notamment lorsque l’aîné du couple revient à la maison accompagné notamment du « Rêveur », une sorte de prophète.

© Luckas Iohanathan / iLatina pour la traduction française

Sur le plan graphique, Luckas Iohanathan opte pour une bichromie orange et noir avec des intervalles de blanc, qui fonctionne à merveille pour peindre l’ambiance apocalyptique du récit grâce à un jeu d’ombres et de contrastes parfaitement maîtrisé. Le dessin au trait rend les personnages expressifs, notamment dans leur chagrin. L’album recèle également quelques trouvailles graphiques qui renforcent la symbolique du récit, comme cette double-planche qui ne figure qu’une fenêtre ouverte sur l’extérieur avec un court dialogue. Il en ressort un récit aux forts enjeux émotionnels qui happe le lecteur jusqu’à la dernière page.

© Luckas Iohanathan / iLatina pour la traduction française

Présent dans la sélection officielle du festival d’Angoulême 2025, Comme une pierre est une fable contemporaine magnifique sur fond de changement climatique, qui questionne le handicap, les inégalités sociales et notre attitude face à la catastrophe qui vient.