Pique et pique et colegrame
Le 6 mars 2003
Un premier roman lunaire et poétique qui s’aventure sur les bords de l’écriture automatique.


- Auteur : Judith Elbaz
- Editeur : Editions P.O.L
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française

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"La première indication consistait à ne pas se retourner", lance, laconique, la quatrième de couverture. On a pourtant presque envie de recommencer, lorsqu’on arrive à la dernière ligne de ce court roman de Judith Elbaz. Recommencer pour tenter de démêler les fils de l’histoire que l’on pressent derrière les phrases aux allures de comptines qui se collent les unes aux autres, sans plus de logique, semble-t-il, que celle de l’esprit cabriolant de l’auteur. On pense aux livres de lecture de notre enfance, où le son prenait le pas sur le sens, on s’imagine parfois dans un espace intermédiaire entre La cantatrice chauve et L’almanach Vermot, quand la langue se fait automatique, saccadée, scandée.
L’histoire se déroule, pourtant, impalpable, sensorielle. Le langage s’échappe, comme pour vivre sa propre vie, réduit parfois à de simples successions de consonnes, abréviations, ou anagrammes. Les mots "se plient". "Le lapin équivalant à la suisse. La suisse est un pays alpin." De ces successions, associations, peut aussi émerger du sens, une cohésion, comme une spirale de mots qui cernerait l’idée. On peut y voir l’angoisse d’abandon, la difficulté d’être soi, et l’inceste, qui se glisse au fil des pages en même temps que se défait la structure du texte, jusqu’à la rature.
Envie de recommencer. Par perplexité, par curiosité... La conviction qu’il y a quelque chose d’autre, derrière les apparences et la désinvolture. Les mots ne s’empilent jamais sans raison.
Judith Elbaz, Colourful, P.O.L., 2003, 110 pages, 13 €