Benoît et les filles.
Le 10 janvier 2007
Trois jeunes filles à un moment crucial de leur existence puisqu’elles deviennent des femmes. Trois interprètes admirables sous la caméra parfois un peu distante de Benoît Jacquot.
- Réalisateur : Benoit Jacquot
- Acteurs : Judith Godrèche, Virginie Ledoyen, Isild Le Besco
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : MK2 Video
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La désenchantée (1990), 1h15mn
La fille seule (1995), 1h26mn
A tout de suite (2004), 1h35mn
Trois jeunes filles à un moment crucial de leur existence puisqu’elles deviennent des femmes. Trois interprètes admirables sous la caméra parfois un peu distante de Benoît Jacquot.
Les arguments : La désenchantée : Beth, lycéenne de dix-sept ans gaie, rêveuse, déterminée et passionnée par Rimbaud, va en trois jours rencontrer trois hommes d’âge différent qui bouleverseront sa vie.
La fille seule : Au petit matin, Valérie a rendez-vous avec Rémi dans un café pour lui annoncer qu’elle est enceinte. Que faire ? Ils n’auront pas le temps de décider, Valérie doit commencer sa première journée de travail dans un grand hôtel. Elle lui donne rendez-vous une heure plus tard. Quand elle revient, sa décision est prise.
A tout de suite : Quand elle raccroche le téléphone après un "à tout de suite" de son amoureux, elle sait que celui qu’elle aime, ce "prince" de nulle part, vient de commettre un hold-up. Il y a mort d’hommes. C’est dans les années 70, elle a dix-neuf ans, et elle quitte ses beaux quartiers pour le suivre dans sa cavale, de l’Espagne au Maroc et à la Grèce, pour le meilleur et pour le pire.
Notre avis : Forte actualité pour Benoît Jacquot en ce début d’année. Une rétrospective intégrale lui est consacrée à la Cinémathèque française (jusqu’au 4 février), un ouvrage paraît sur son œuvre [1] et un coffret DVD.
Ce dernier bénéficie d’une véritable cohérence dans le choix des films proposés. Tous trois s’intéressent en effet à de très jeunes filles (entre 17 et 20 ans) qui se retrouvent à un moment charnière de leur existence, celui qui les voit devenir femmes. Confrontées à un changement plus ou moins brutal (la trahison d’un amant, une grossesse, une possible cavale), en bute à d’importantes difficultés plus ou moins marquées selon les films mais présentes dans chacun d’entre eux (économiques, sentimentales, familiales), elles franchissent valeureusement les étapes, non sans y laisser des plumes.
Car le regard de Benoît Jacquot n’a rien d’angélique et le reproche que l’on peut faire à sa mise en scène, très travaillée, formelle, belle en elle-même (notamment dans son approche du mouvement, réellement impressionnante par moment), c’est sa froideur. Cinéaste réputé cérébral, sa rigueur peut se faire rigidité, distance, sans doute au service de l’âpreté de sa vision des rapports humains. Heureusement, ses trois interprètes principales défendent admirablement leur personnage et apportent une sensibilité, une émotion, une lumière bienvenues. Judith Godrèche, Virginie Ledoyen et Isild Le Besco ont rarement été aussi bien servies. Elles rejoignent l’impressionnante cohorte des interprètes féminines du cinéaste, indéniablement un homme à femmes.
LE DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas manquer : On éprouve une sensation un peu étrange au vu des suppléments proposés. Outre un making-of d’A tout de suite réalisé par Isild Le Besco et un entretien "classique" avec le réalisateur sur le même film, l’éditeur propose trois entretiens-rencontres entre Jacquot et ses actrices. Ils souffrent d’abord d’une effroyable réalisation. Cadre tarabiscoté, ralentis injustifiés, lumière très pâle, tout respire la vanité et la vacuité. D’autre part, on n’y apprend pas grand-chose sur les films, ni sur la relation du metteur en scène et de ses interprètes : à peu de chose près, les banalités d’usage. Mais ce qui surprend le plus est ce qui transparaît de la personnalité du réalisateur. Peu sympathique, ne souffrant aucunement de fausse modestie, il ne se soucie apparemment pas de faire bonne impression. Ce qui serait plutôt à son honneur s’il ne se montrait vachard avec ses comédiennes. Il balance ainsi à Ledoyen que son rôle avait été proposé à une autre actrice ("je te l’avais dit, mais tu as dû oublier." Ben voyons !) et à Le Besco que son making-of est moins bon que le film (au cas ou elle aurait cru le contraire !). Mais le pompon revient au traitement réservé à Judith Godrèche. La jeune femme n’est pas venue faire l’entretien. C’est donc le cinéaste qui parle seul et lui reproche d’avoir peur de la confrontation entre La désenchantée et ce qu’elle pouvait représenter alors (son nom est longtemps resté attaché au cinéma d’auteur puisque outre Jacquot, elle a travaillé avec Doillon, Assayas...) et ce qu’il appelle "sa vie d’aujourd’hui". Quoiqu’on pense de l’évolution de la carrière de la comédienne (pour dire le fond de notre pensée, pas beaucoup de bien), est-ce une raison quand on a été son compagnon ("détail" qui n’est jamais explicité) pour sous-entendre lourdement qu’on ne l’approuve pas ? Les bonus de DVD sont-ils le lieu des règlements de comptes personnels ? Se livrer à ce genre d’exercice est bien petit (pour dire le fond de notre pensée, dégueulasse). Et le publier également.
Image & son : L’admirable travail de Caroline Champetier à la photographie passe très inégalement l’épreuve du format DVD. Le noir et blanc granuleux d’A tout de suite ressort magnifiquement. Les deux autres passent très bien pour toutes les scènes d’extérieurs. En revanche, les intérieurs ont viré au verdâtre, élément tout à fait dommageable puisqu’il atténue le résultat des recherches formelles entreprises.
[1] Le cinéma de Benoît Jacquot, de Xavier Lardoux, aux éditions PC
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