Le 3 août 2020
Mettant en scène les efforts tragiques d’un père pour retrouver son fils, le drame de Wang Xiaoshuai constitue un récit à la fois délicat et puissant.
- Réalisateur : Wang Xiaoshuai
- Acteurs : Fan Bingbing, Xueqi Wang, Hao Qin
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Films sans Frontières
- Durée : 1h55min
- Date de sortie : 5 août 2020
- Festival : Festival de Cannes 2010
– Année de production : 2010
Résumé : Un marin apprend que son fils, Lin Bo, qu’il a plus ou moins abandonné depuis son divorce et son départ pour le grand large, a été abattu par la police. Envahi par la tristesse et le regret de ne pas avoir vu grandir son enfant, Mr. Lin, le père, revient à Chongqing après des années d’absence et se met à parcourir la ville à la recherche de témoignages et d’indices sur les raisons de ce drame.
Critique : Les salles françaises mettent à l’honneur le réalisateur Wang Xiaoshuai, récemment acclamé pour son film So long, my son, en projetant pour la première fois Chongqing Blues, sélectionné à Cannes en 2010. Comme dans son dernier long-métrage, le réalisateur explore de manière bouleversante et avec beaucoup de profondeur les thèmes du deuil et de la parentalité. En toile de fond, toujours, une Chine en pleine mutation et en proie à ses contradictions.
Chongqing blues est un film sur l’absence, du père d’abord, puis du fils. Le sujet est abordé de manière intéressante, car les deux hommes vivent cette expérience du manque en différé. Leurs destins se croisent et se répondent avec une certaine ironie.
On est immédiatement subjugué par la beauté des images de cette mégalopole chinoise, magnifiée par le réalisateur. Dès la séquence d’ouverture, on voit émerger au milieu de baraquements délabrés des gratte-ciel qui se fondent dans le brouillard. L’atmosphère dégagée par cette ville fantomatique renvoie à la mélancolie du père endeuillé. Elle est sublimée par des images à dominante bleue, couleur qui évoque la nuit, le passé et les lambeaux de souvenirs qui lui restent de son fils disparu.
La culpabilité grandissante du père, son désarroi face à une tragédie contre laquelle il ne peut plus rien, s’expriment de manière poignante au moyen de silences, longs et intenses, que le réalisateur exploite avec finesse. L’interprétation de Wang Xueqi, pleine de sobriété, donne une très grande force au personnage de Mr. Lin, qui refuse que ce fils qu’il n’a presque pas connu sombre dans l’oubli.
Le père s’efforce donc de faire revivre le passé, en mettant bout à bout les souvenirs qu’il recueille, tel un puzzle. Cette reconstitution génère parfois une certaine confusion, avec le risque de nous perdre un peu. Mr. Lin poursuit sa quête en interrogeant les amis de son fils et tente de s’en rapprocher, comme pour recréer par-delà la mort le lien qu’il a lui-même rompu quinze ans auparavant. Il se heurte cependant au regard de la jeune génération, fuyante et insaisissable, qui le renvoie à sa responsabilité.
Le réalisateur a choisi de filmer la ville en mouvement, caméra à l’épaule, avec relativement peu de lumière, afin que l’image reflète au mieux toute la richesse émotionnelle des acteurs. Le dispositif fonctionne à merveille : le cadre légèrement tremblant de certains plans nous donne l’impression de rentrer dans la peau d’un personnage imaginaire, qui suivrait les moindres pas du père dans ses recherches.
Wang Xiaoshuai, qui a toujours vécu dans les grandes cités (celles-ci reviennent comme un leitmotiv dans son œuvre), affirme pourtant s’y sentir comme un étranger. Mr. Lin semble lui aussi vivre ce décalage, symptôme d’une opposition entre sa vie intérieure et l’indifférence de la foule. Faisant écho aux fractures générationnelles et sociales qui divisent la Chine, la fracture interne du protagoniste se précise tout au long du film, jusqu’à la scène finale, saisissante.
Ce long métrage est remarquable par la force de son émotion contenue et de sa puissance suggestive, alliées à une vision quasi poétique de la réalité.
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Julie 5 août 2020
Chongqing Blues - Wang Xiaoshuai - critique
Espérons qu’il soit à l’affiche dans le 64 !
Hélène 14 août 2020
Chongqing Blues - Wang Xiaoshuai - critique
Très beau et très prenant...J’ai adoré le jeu du personnage du père !
Je découvre avec plaisir un réalisateur que je ne connaissais pas et irai voir ses autres films dès que je pourrai !