Le 13 juillet 2019
Un chef-d’œuvre immense d’émotions, de vibrations intellectuelles, qui invite le spectateur, à travers le regard croisé de plusieurs familles chinoises, à interroger l’universalité du sentiment de filiation et le sens de l’existence.
- Réalisateur : Wang Xiaoshuai
- Acteurs : Wang Jingchun, Jing-chun Wang, Mei Yong, Qi Xi , Roy Wang
- Genre : Drame
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 3h05
- Titre original : Di jiu tian chang
- Date de sortie : 3 juillet 2019
- Festival : Festival de Berlin 2019
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Résumé : Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment un couple heureux. Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine.
Notre avis : Une première séquence ouvre le film sur un lac, absolument magnifique, regardé du point de vue de deux enfants, l’un prudent, l’autre plus intrépide ; un repas survient, et de nouveau, le spectateur est invité au bord du lac, selon le même point de vue, si ce n’est que l’on comprend immédiatement la mort de l’un des deux petits. Il s’est noyé. Le début marquant du long métrage annonce déjà l’architecture incroyable des temporalités, sur laquelle le scénario entier est construit. Voilà donc une œuvre dont il ne faut pas avoir peur, en ce qui concerne la superposition des temps narratifs. Au contraire, il faut se laisser perdre par les événements, les personnages, le récit qui, en fin de parcours, deviennent parfaitement lumineux. Rares sont les films dont la mise en scène et l’écriture sont à ce point proches de la perfection. So long, my son est une œuvre tout autant livresque que cinématographique. Elle emporte le spectateur dans une symphonie d’émotions, de beauté, et de profondeur, empreints d’une complexité qui se transforme, au terme du film, en une forme d’évidence.
- Copyright Ad Vitam
L’histoire est simple et complexe à la fois. Simple, car elle raconte le désarroi universel de la perte d’un enfant. Complexe, car elle inscrit ce drame dans la problématique historique et politique de la Chine. Environ trente ans traversent le récit et les trois heures ne souffrent jamais d’aucune longueur. Le temps d’ailleurs est un personnage à part entière du film, avec les marques qu’il imprime sur les visages et les lieux, les ruptures qu’il impose aux destins croisés de ces personnages, et les cycles qui se renouvellent. La narration mêle savamment les temporalités, donnant peu à peu sens à des séquences très courtes, très douloureuses, mais jamais démonstratives. En effet, le réalisateur choisit la pudeur des sentiments pour montrer la douleur immense qui accable le couple central du film. Les objets et accessoires prennent beaucoup de place dans ce récit, comme s’ils partageaient avec les personnages le poids de cette histoire particulière et de tout un pays, la Chine.
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Une grande importance est donnée aux femmes dans ce récit. En cela, So long, my son est exemplaire. Elles occupent dans le récit un pouvoir central, tout en supportant entièrement la culpabilité des non-dits et des injustices contraintes par le gouvernement. Il n’y a presque jamais de colère chez elles, et l’on pressent parfois le risque de l’abandon de soi. La Chine apparaît comme un pays profondément matriarcal et le spectateur devine que la liberté et la démocratie émergeront de ces figures féminines.
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Il faut saluer la performance exceptionnelle des acteurs. Les larmes n’inondent jamais la mise en scène. Il suffit d’une bouteille sur les marches qui conduisent à la mer, pour que l’on comprenne l’alcoolisme de ce père endeuillé. Il suffit d’un regard pour que l’on prenne la mesure de la violence qui est faite à cette mère, que le gouvernement chinois contraint à l’avortement et qui perdra son enfant politiquement légitime, quelques années plus tard. On perçoit dans ce film fleuve toute l’hypocrisie et les faux-semblants qui règnent dans le pays, la Chine, peu vantée pour ses qualités démocratiques, mais où les habitants parviennent à s’aménager des espaces de liberté et de vie. A cela s’ajoute une photographie magnifique qui transcende, à la façon d’un peintre, la douleur digne et simple de ce couple. Pendant tout le long métrage, on pense à la littérature d’un Maupassant ou d’un Flaubert. A partir de ces deux cœurs simples, le réalisateur compose une œuvre immense et universelle.
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