La fille à la DV
Le 11 septembre 2007
Entre vitesse et précipitation, une expérience de cinéma radicale qui ne manquera pas de déstabiliser, voire de choquer.
- Réalisateur : Isild Le Besco
- Acteurs : Julie-Marie Parmentier, Kolia Litscher
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 12 septembre 2007
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– Durée : 1h35mn
Entre vitesse et précipitation, une expérience de cinéma radicale qui ne manquera pas de déstabiliser, voire de choquer.
L’argument : Bouleversé par la vision d’une carte postale de Belle-île-en-Mer, Nicolas, un jeune garçon vivant dans une famille d’accueil, fugue pour rallier ce lieu de fascination. Après quelques jours d’auto-stop, il arrive à la périphérie de Nantes, où il fait la connaissance de Charly, une jeune fille qui vit dans une caravane et se prostitue pour assurer le quotidien.
Notre avis : En 2004 sortait Demi-tarif, moyen métrage remarqué par la critique qui en a salué la fraîcheur de ton et l’audace narrative. Isild Le Besco, actrice branchouille et jeune égérie du cinéma d’auteur français y dévoilait un véritable regard de cinéaste. Sorte de Nobody knows à la française, le film racontait les errements de trois enfants laissés à eux-mêmes. Et déjà la DV, et déjà l’urgence.
Charly suit la même logique, avec le désir comme point de départ. Pas d’histoire précise à raconter (un garçon fugue de chez sa famille d’accueil, il veut voir la mer, c’est L’enfance nue), mais un état à capturer : le passage entre l’adolescence et l’âge adulte. Moment charnière, difficilement saisissable. Isild Le Besco est ambitieuse et sa sensibilité teenage n’est pas sans rappeler le cinéma d’Emmanuelle Bercot, pour qui elle a souvent fait l’actrice.
Ce désir donc, du genre irrépressible, parcourt Charly en une décharge puissante. S’il n’excusera pas le film aux yeux de ses détracteurs, qui ne manqueront pas d’y voir les traces du pire amateurisme qui soit, il le justifiera auprès de ceux qui voudront bien y déceler une proposition de cinéma, maladroite certes, mais terriblement forte et intègre. Comme dans Demi-tarif, la réalisatrice affiche un mépris souverain du "bien faire" et enfreint une par une les règles les plus élémentaires de la mise en scène. Faux raccords, cadres hésitants, ruptures diverses. Autant d’erreurs, impardonnables ailleurs, qui trouvent ici grâce à nos yeux et, sans doute, participent même au charme de l’ensemble. Le rendu visuel de la DV, avec cet hyperréalisme qui le caractérise, pourrait évoquer le documentaire. Pourtant Charly, par son écriture et ses quelques coquetteries de mise en scène, ne cesse de renvoyer à sa condition de fiction. Une fiction bricolée, improvisée, construite au jour le jour. Le tournage a duré quinze jours, tout comme l’action du film. Ce détail a son importance quand il s’agit de montrer en quoi la réalité physique du tournage et la mise en place d’un dispositif fictionnel se sont confondus, jusqu’à en devenir inséparable. Une urgence bienvenue dans un cinéma français allergique aux écarts de conduite et à l’improvisation excessive.
Les deux comédiens, chacun à leur façon, assument l’entière responsabilité du projet face à une caméra inquisitrice, constamment braquée sur eux. Kolia Litscher, acteur non professionnel, fait exactement ça : il ne joue pas. La jeunesse, renfermée et opaque, est véritablement là. Julie-Marie Parmentier, elle, incarne une prostituée sauvage et maniaque. Incontrôlable comme un personnage de Pialat, elle dévore tout ce qui l’approche avec une présence sidérante. Une bombe borderline qui s’intègre parfaitement à l’univers chahuté de la réalisatrice. Forcément imparfait, Charly est l’une des expériences la plus vivifiante de cette rentrée cinématographique. Ne serait-ce parce qu’il propose aux cinéphiles une denrée de plus en plus rare : l’impression, enfin, de voir quelque chose de neuf.
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