Notre avis : Le texte introductif d’Alain Tapié laisse pantois. Il nie d’emblée le propos du livre, qui entend faire la démonstration de l‘appui des génies italiens à la peinture empâtée et géométrique de Paul Cézanne. L’auteur s’écoute dire : la substance de cette temporalité évolue avec le temps et fait de la durée une harmonie, un vrai modèle d’incarnation conceptuel, où l’énergie pulsionnelle tendrait à nourrir les formes plutôt de l’intérieur. A qui est adressé ce gargarisme verbeux ? Certainement pas à l’humble peintre, qui cherchait à dégager la force de ses sujets par la simplicité. Il se trouve toujours un commentateur enflammé s’enivrant de la sérénité d’un chercheur. Dès la première phrase, le second texte ne contredit pas le premier, en niant lui aussi une effective influence italienne directe. On doit au moins reconnaître l’honnêteté des auteurs qui glissent donc délibérément dans le rêve. Si les maîtres vénitiens, romains, napolitains sont aussi méditerranéens que Cézanne, le rapprochement pictural est à pondérer des nombreux kilomètres qui les séparent de la montagne Sainte Geneviève.
Une série de juxtapositions d’images des toiles viennent ensuite comme preuves de ce lien, fort peu convaincantes au demeurant. Le troisième texte ne dément pas les deux premiers, en doutant du lien du peintre avec Naples. L’argument du fond est cette fois que quatre titres de toiles évoquent la ville. Ils seraient des indices probants ! Bref...
Trouve-t-on quelques bénéfices à défendre une théorie aussi peu étayée ? Un livre bien fait, joliment présenté, intelligemment construit sur d’astucieuses réfutations rhétoriques, pour finir par asseoir l’idée contraire qui le sous-tend. Etonnant !
A moins que ce ne soit une manière pour le musée de justifier, en la tirant par le bout des cheveux, une rêverie sur Cézanne et de rassembler, dans une exposition temporaire, des chefs-d’œuvre italiens que nous aurons le plaisir de comparer à cette occasion aux peintures du français ?
On s’en réjouit évidemment !
Plutôt à voir qu’à lire.