Pink is dead
Le 19 mai 2018
Un exercice de style aussi fade que bariolé, qui n’a pas l’audace de son sujet.
- Réalisateur : Yann Gonzalez
- Acteurs : Vanessa Paradis, Nicolas Maury, Noe Hernandez
- Genre : Thriller, LGBTQIA+, Giallo
- Nationalité : Français
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 27 juin 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
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Résumé : À Paris, à la fin des années 1970, Anne Parèze est une productrice de films pornographiques, produits à la chaîne. Mais pour retrouver les faveurs de Loïs, sa compagne (qui est aussi sa monteuse), Anne va décider de changer de registre. Elle souhaite désormais financer un film beaucoup plus ambitieux, réalisé par son ami de longue date, le flamboyant Archibald. Ses projets sont cependant perturbés par un tueur en série qui s’attaque aux protagonistes du film. Anne est entraînée dans une étrange enquête qui va bouleverser sa vie.
- (C) Ella Herme
Notre avis : Sélectionné à la dernière minute à Cannes 2018, Un couteau dans le cœur est le nouveau projet de Yann Gonzalez, après Les Rencontres d’après minuit (Semaine de la Critique), bal érotico-baroque servi par un casting des plus étonnants. Vanessa Paradis a accepté de participer au projet, en dépit d’un sujet de film de genre glauque, malgré les difficultés de financement (celui-ci a dû se terminer au Mexique). Notre Vanessa nationale sait s’attacher à ce type de projet indépendant, loin du formatage, qui sort des sentiers battus, et quels sentiers : une plongée dans le milieu du porno gay des années 70, teintée de sang. Et, il s’agit de voir les premières images de son film pour savoir vers quel univers visuel Gonzalez nous emmène : celui du giallo de la grande époque, L’Oiseau au plumage de cristal et Quatre mouches de velours gris, de Dario Argento, et ses effets de lumières chromatiques déraisonnables.
Le meurtre auquel on assiste dans les premières minutes, à grands coups de couteau, par un homme ganté, est la marque du genre. Mais, puisque le couteau en question n’est pas qu’un simple instrument de cuisine, c’est une autre proposition que nous fait Gonzalez, celle du fétichisme queer, poussé jusqu’à la démesure la plus caricaturale qui soit.
- (C) Ella Herme
Et, dans tout ça, Vanessa Paradis joue Anne, une productrice de boulards homo, dont on ne saisit si elle s’est plongée dans l’alcool après sa récente séparation avec sa monteuse ou si, à l’inverse, elles se sont séparées du fait de sa tendance à boire tout le temps. Peu importe, l’actrice y aborde un look clinquant, et surtout parvient à accorder son jeu à la volonté du réalisateur de reproduire une atmosphère assimilable à celle des films qu’elle produit. Un système de mise en abyme déconcertant duquel aboutit cette direction artistique outrancière dans laquelle les figures de la bouche et l’œil sont omniprésentes, jusqu’à en être oppressantes. Et la présence de Bertrand Mandico, dans le petit rôle (d’un point de vue scénaristique) du cameraman, dont le goût pour les visuels graphiques extravagants est, depuis Les Garçons Sauvages connu de tous, rajoute un clou aux attentes que l’on peut se faire de la direction explosive que va suivre ce long-métrage baroque.
Et pourtant, toutes les inspirations et bonnes idées que le réalisateur semble vouloir digérer et insuffler à son thriller ne lui permettent aucunement d’en faire une œuvre captivante. L’intrigue des meurtres suit timidement son cours tandis que la peinture de ce milieu gay underground souffre d’une pudeur qui en devient moralement douteuse, alors que, à l’inverse, la sensualité et les émotions qui naissent de la trame amoureuse autour de la relation entre Anna et de son ex se veulent volontairement vulgaires, portées par le cabotinage assumé de Vanessa Paradis, amenée à en faire des tonnes.
- (C) Ella Herme
Tout le film est ainsi construit, contredisant à chaque fois ses effets de scénario par ceux de sa mise en scène. Clou du naufrage artistique, l’intrigue criminelle s’achève sur un suspense à peine digne d’un épisode de polar télévisuel. Si encore Gonzalez avait su jouer sur une part de second degré pour rendre son métrage décalé ou, au contraire, s’il était allé plus loin dans l’hommage au giallo, comme ont su si bien le faire Hélène Cattet et Bruno Forzani, son exercice de style aurait pu trouver un sens. Au lieu de ça, le caractère risible de son serial killer, sorte de parodie du Fantôme de l’Opéra affublé d’un background plein de petits oisillons, en fait une figure particulièrement risible. Ceux qui voudront voir dans l’intrigue une métaphore du sida (seule grille de lecture un tant soit peu raisonnable à lui accorder) ne pourront que regretter plus encore de rire devant les minauderies qu’il reproduit à chacun de ses meurtres.
- (C) Memento Films
Touchant son apothéose de mauvais goût lors du générique de fin (pour ceux qui auront le courage d’aller jusqu’au bout), ce Couteau dans le cœur n’est rien d’autre qu’un pétard mouillé, une sucrerie dénuée de saveur. Sa présence à Cannes doit se justifier. C’est typiquement le genre de production que le Festival de Cannes diffuse pour se donner bonne conscience vis-à-vis de ceux qui l’accusent de ne pas donner leur chance aux films de genre et expérimentaux, ou pour susciter le buzz autour d’une icône qui dépasse de loin, de par sa notoriété, l’existence même du film qu’elle occupe. La diffusion en toute fin de Festival, alors que la Croisette s’est déjà bien vidée, est bien la preuve que les programmateurs savent très bien qu’il ne sera pas regretté par celles et ceux qui l’auront raté.
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