Délire de fan
Le 8 novembre 2018
Asako est amoureuse. De l’homme avec qui elle est en couple autant que de cette icône populaire avec qui elle a autrefois eu une passade éphémère. A partir de là, le film semble n’avoir pas grand chose à raconter, pas même la résolution de ce dilemme.
- Réalisateur : Ryūsuke Hamaguchi
- Acteurs : Masahiro Higashide, Erika Karata
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 1h59mn
- Titre original : Netemo sametemo
- Date de sortie : 2 janvier 2019
- Festival : Festival de Cannes 2018
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Résumé : Lorsque son premier grand amour disparaît, Asako est désemparée. Deux ans plus tard, elle rencontre son double parfait. Troublée par cette étrange ressemblance, elle se laisse séduire mais découvre peu à peu un jeune homme avec une toute autre personnalité.
Critique : Bien que certains médias lui aient affublé le surnom, difficile à porter, de « Rohmer japonais », Ryūsuke Hamaguchi ne s’est finalement fait connaître en France qu’à l’occasion de la sortie de son huitième film. A peine Senses, que le distributeur Art House s’est vu contraindre de découper en cinq chapitres plutôt que le sortir en un bloc de plus de cinq heures, commençait à apparaître dans nos salles, que déjà le suivant était annoncé en Sélection Officielle cannoise. De quoi se demander à quoi peut bien ressembler le cinéma de cet auteur et pourquoi il n’avait pas encore réussi à imposer son style chez nous. Sans revenir sur Senses, c’est donc avec curiosité que nous nous plongeons enfin dans son univers romanesque. Et l’ouverture d’Asako, qui lui fait office de pré-générique d’un quart d’heure, est une porte d’entrée idéale pour capter toute l’énergie passionnelle que ce cinéaste cherche à insuffler à ses images. Le coup de foudre qui unit la tendre Asako à ce brun ténébreux prénommé Baku parvient à être mis en scène avec une poésie et une virtuosité qui nous font immanquablement partager cette romance post-adolescente, chacune de leur étreinte étant alors une explosion de douceur dans laquelle on se plaît à vouloir se plonger.
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Et puis, Baku s’en va. Autant dire que le choc est dur à encaisser. Pour Asako comme pour le spectateur, immergé qu’il était dans leur amour fusionnel, et qui ne pourra que se retenir de ne pas verser une petite larme en solidarité pour cette jeune fille abandonnée. Mais la rupture la plus rude arrive juste ensuite. Il s’agit du générique. Car oui, tous ces sentiments filmés avec une scénographie aussi aérienne qu’immersive ne constituaient que le premier quart d’heure d’un long-métrage de deux heures. Car après, plus rien. La bluette qu’Asako va vivre avec Ryohei, un golden boy sosie de Baku, ne retrouvera jamais la moindre intensité émotionnelle de cette ouverture. Il aurait pu s’agir d’un parti pris qui illustre leur relation superficielle, au risque de plomber le rythme et d’ennuyer le spectateur, mais ce n’est certainement pas le retour de Baku qui va permettre au réalisateur de redonner le moindre soubresaut à son portrait de femme.
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Les hésitations qui tiraillent Asako entre ses deux hommes, l’un caricature du bon gentleman de la classe moyenne, et l’autre devenu star, et donc objet de fantasmes inaccessible, et qui devraient représenter le nœud dramaturgique de son parcours émotionnel, ne restent qu’en surface. L’évolution de cette fille sur plus de dix années de sa vie va davantage se faire sur la base de ses relations avec ses copines que de ses regrets d’avoir laissé filer l’homme de sa vie. Sur un modèle que d’aucuns qualifieront allègrement de « rohmérien », le film va alors multiplier de longues scènes de conversations, mais sans jamais effleurer la profondeur d’écriture du réalisateur de Ma Nuit chez Maud. La voir ainsi dans son quotidien ne permet aucunement d’exploiter le trouble que l’on sait bouillir au fond d’elle. Ce développement verbeux est d’autant plus vain que lorsque l’inévitable climax –le retour de Baku– va se mettre en place, il sera survolé avec une nonchalance empêchant de ressentir l’once d’une émotion. Il apparaît alors que le réalisateur préfère filmer Asako en train de manger des huitres que de faire enfin son choix entre Baku et Ryohei. Et comme si le film n’était pas déjà assez long, il s’engouffre après cette scène-clé dans un interminable épilogue, sous forme de retour à une vie routinière. Le 7ème art nous a offert tant de récits partant sur la base similaire d’un triangle amoureux, et même si le parcours de femme faisant le choix de la sécurité plutôt que de la passion avait de quoi offrir une voie anti-romanesque originale, encore aurait-il fallu que celui-ci ait autre chose à proposer que de nous faire partager sa monotonie et sache justifier sa décision finale. Et puisque les premières minutes de Asako nous ont prouvé que Hamagushi sait créer un engouement pour ce qu’il raconte, on ne peut que regretter que ce soit ce film, dans son intégralité, que le Festival de Cannes ait choisi pour nous faire découvrir son talent.
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