C’est le bouquet !

Jeanne Labrune entraîne une belle brochette d’acteurs dans la ronde déclenchée par un simple bouquet de fleur. Une jolie fantaisie qui porte un regard amusé sur quelques personnages typiques de la société actuelle.

Un jour comme les autres à sept heures du matin. Un coup de fil incongru d’un certain Kirsch met Catherine dans un état de nervosité extrême. Raphaël, son mari, en fait aussitôt les frais. Sermonné par sa femme, il décide de se rebeller et se fait licencier dans les heures qui suivent par son patron. Dans le même temps, Kirsch envoie des fleurs à Catherine pour se faire pardonner, mais les quiproquos s’enchaînent et le bouquet passe de mains en mains.

Après Ça ira mieux demain, Jeanne Labrune présente C’est le bouquet ! comme sa seconde fantaisie, un genre très libre qui fait la part belle au hasard. L’histoire s’articule ainsi autour d’une série de petits incidents qui, par un effet de boule de neige, amènent chaque protagoniste à modifier d’une manière plus ou moins importante le cours de son existence.

Ces personnages, magnifiquement interprétés par une pléiade d’acteurs de talent, ont en commun de mener une vie tranquille, presque banale. Chacun suit son chemin sans se rendre compte de son aveuglement. Catherine (Sandrine Kiberlain) est une bourgeoise qui s’achète une bonne conscience en reprenant à son compte les clichés en vogue, Raphaël (Jean-Pierre Darroussin), un faible aux réactions impulsives, Stéphane (Mathieu Amalric), un patron obnubilé par la bourse... Chacun incarnant une certaine forme de la mauvaise foi.

Les personnages sont présentés tels quels, sans explication sur leur passé et leurs motivations. On les découvre à un moment donné de leur existence, voilà tout. Jeanne Labrune s’amuse à épier leurs réactions face à des bouleversements aussi infimes que l’envoi d’un mystérieux bouquet de fleurs, mettant ainsi en évidence les petits mensonges quotidiens qui déterminent le sens de leur vie.

Ces personnages s’arrangent avec eux-mêmes, parfois en toute innocence comme Catherine, pour continuer à mener leur vie tranquille. Cela passe par une perpétuelle justification verbale. Chacun aime développer ses idées, émettre des hypothèses, s’interroger sur le sens d’un mot. Le langage est au centre du film, et l’on pourrait presque définir C’est le bouquet ! comme une fantaisie verbale. Catherine rencontre Robert (Jean-Claude Brialy) par hasard alors qu’elle lui demande son chemin. Une expression curieusement employée va susciter entre eux un débat qui les amène à s’échanger leur carte de visite.

En dehors du langage, C’est le bouquet ! utilise un second ressort : la place des objets dans le décor. Le bouquet de fleur envoyé par Kirsch effectue ainsi un véritable ballet. Il perd la carte et l’emballage qui l’accompagnent, se retrouve sur un paillasson puis sur un autre, voyage d’appartement en appartement, laisse quelques pétales sur un parquet luisant avant de finir dans la loge du concierge.

Cette chorégraphie donne au film toute sa légèreté et un décalage ironique qui arrache les personnages à la tentation de la vacuité ou de la bêtise. La marque de fabrique de Jeanne Labrune ?