Le 25 janvier 2005
Pendant qu’il la retourne contre lui, Bukowski puise en même temps sa force dans son apparence physique.
"J’aimerais bien me faire passer pour un dur, mais je ne suis pas si dur."
Bukowski était un tendre, mais aussi un des être les plus laids de la création. Son apparence a probablement joué une grande partie dans la genèse de son œuvre. Si son nez est d’origine obscène et monstrueusement contestataire, le reste de son visage, avant que l’acné ne le défigure, était doux et harmonieux. La violence et la sévérité de son père ont probablement décuplé cette acné. L’alcool n’a pas aidé. Dans, Born into this, le documentaire de Dullaghan, Bukowski évoque une scène douloureuse au bal de promotion de son école. Il s’y rend si honteux de son visage, qu’il s’enturbanne les joues et la figure dans du papier toilette. Il regarde les filles et les autres élèves danser, s’amuser, alors que lui est assis dans un coin de la salle, ses boutons suintant au travers des épaisseurs de son papier toilette.
A cet âge, son acné a pris de telles proportions qu’il doit interrompre sa scolarité. Il finira par se rendre à l’hôpital général du comté de Los Angeles où, des mois durant, on percera ses pustules à l’aiguille électrique. Ensuite, il y aura les bandages. Il se voit comme un monstre dont aucune femme ne voudra jamais. Adulte, la peau qui recouvre son visage ressemble à un cuir de vieux bœuf, craquelée et crevassée. "Et pourtant, malgré leurs corps et leurs esprits lisses et intacts, il leur manquait quelque chose : au fond, rien ne les avait jamais éprouvés." C’est probablement là que Bukowski trouve sa force, probablement cet état d’esprit à la fois vengeur et tendre qui va le pousser à écrire ses premiers poèmes. Sa prose prendra sa source dans la rue, dans les bars, sur les rings, sur les champs de courses, dans tous ces lieus du vécu où il arrivera à partager les petites misères d’humains paumés et compatissants.
Si son aspect physique et son outrageuse ténacité sont au départ les moteurs de sa création, l’incompréhension du monde dans lequel il vit prend vite le relais. L’incompréhension de "cette foule qui ne pense qu’à manger et à conduire des voitures". L’incompréhension de se retrouver sur un plateau de télévision française où les gens se gargarisent et se vendent comme des putes, le fameux épisode "Apostrophe", où Bukowski est chassé du plateau pour ignominie... il avait poursuivi sa voisine d’allusions sexuelles, avait bu deux bouteilles de vin blanc, et surtout, il s’ennuyait à mourir : "Et vous ne pouviez ressentir aucune bonté, pas la moindre parcelle de bonté. Il y avait seulement des gens assis en rond en train de parler de leurs bouquins." L’incompréhension d’un monde... "un endroit où les masses élèvent des imbéciles au rang de riches héros... où des hommes irradiés mangeront la chair d’hommes irradiés... né dans ça, marchant et vivant à travers ça, mourant à cause de ça."
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