Bukowski : born into this

Un Bukowski désinvolte, intègre et désespéré, visité avec finesse et sans tomber dans les clichés. De la belle ouvrage.

L’argument : Des images et des mots pour dire Charles Bukowski : romancier alcoolique, poète regretté et figure culte des années 60.

Notre avis : Bukowski est sans doute un des auteurs les plus fascinants de la deuxième moitié du XXe siècle, tant par son œuvre que par ses frasques. Bukowski et son œuvre sont indissociables. Bukowski est son œuvre. C’est pourquoi Bukowski : born into this, avec sa multitudes de photos, de caricatures, d’interviews, et surtout d’extraits vidéos des lectures qu’il donnait en public, lectures de ses poèmes ou extraits de ses romans, est le document le plus détaillé et le plus intéressant jamais réalisé sur sa vie.
Born into this, c’est l’histoire d’un poivrot qui fait ressortir l’humour du sordide. Au travers d’un judicieux choix d’archives où Bukowski apparaît aussi bien dans des scènes de vie quotidienne que dans sa voiture ou lors d’interviews télévisées, l’auteur du documentaire, John Dullaghan, dévoile parfaitement l’état d’esprit de l’écrivain, sa démarche à la fois acharnée et désinvolte, intègre et désespérée. Chaque scène où Bukowski apparaît est un délice, un poème, un espoir, parfois une abjection. Il y a notamment un passage dans sa petite maison de Los Angeles, où il absorbe plusieurs bouteilles de vin devant les caméras d’une équipe de reportage, et finit par corriger sa femme Linda à coups de pieds, prétextant qu’elle sort trop la nuit et qu’elle le trompe. Et quand on l’accuse de misogynie, il rétorque : "Tous ceux qui m’ont lu savent qu’en général, je traite les hommes bien plus mal."
L’enfance de Bukowski, ses rapports avec les femmes, son travail à la poste, son écriture, tous les thèmes qui ont nourri son œuvre sont évoqués ici avec finesse et précision. De plus, la surprenante superposition des ses poèmes et de ses textes à l’image ajoute une véritable identité visuelle au film.
Ce documentaire a été réalisé sans compromission puisque John Dullaghan a refusé systématiquement l’argent des chaînes de télé par peur qu’on l’oblige à trop exploiter le côté sensationnaliste du sujet : l’alcool, les putes, le sexe. Toutes ces choses qui font vendre et qui finalement ne sont que la surface de la vie de Bukowski. Seul regret, les courtes apparitions de Sean Penn et surtout de Bono, le chanteur du groupe U2, qui ont des allures de guest-stars gérant leur image subversive.
Mais ce n’est qu’un détail, ne faisons pas la fine bouche. Ce documentaire, tendre et cocasse, s’adresse aussi bien aux curieux qu’aux aficionados, et laisse derrière lui un merveilleux goût de vie et de spontanéité. Buk tel qu’on l’aime. Un poète merveilleux et désespéré.