Bluebells Wood - La chronique BD

Guillaume Sorel revisite avec justesse le mythe de la sirène à travers ce récit qui mêle le fantastique et la mélancolie. Il puise pour ce faire bien davantage dans l’Odyssée que dans le conte d’Andersen : la sirène est y brossée comme une prédatrice qui considère l’homme comme une proie. L’auteur inscrit le fantastique dans un récit qui s’arrête sur la figure de l’artiste maudit, affligé par un deuil qu’il ne surmonte pas et qui provoque l’isolement qui le rend vulnérable. Si les thèmes du deuil et de l’artiste pris (ou non) dans la folie sont classiques, ceux-ci sont traités avec sensibilité et intelligence par l’auteur, qui ne cède pas aux poncifs du genre.

L’incipit du récit joue volontiers sur l’onirisme, avec le sentier brumeux et la forêt- ©Guillaume Sorel / Glénat

Mais la principale force de Bluebells Wood réside incontestablement dans la force graphique tirée de ses planches réalisées à l’aquarelle. C’est le dessin qui happe le lecteur dans le récit, avec des planches tantôt féériques, tantôt gothiques et tourmentées. La représentation de la mer fait l’objet d’un soin tout particulier avec une grande variété de bleus. Sorel joue sur le contraste entre l’atmosphère onirique tirée des paysages et la représentation réaliste et charnelle des corps, sans fausse pudeur mais aussi sans érotisme vulgaire. Avec un tel graphisme, l’auteur n’a aucun mal à faire entrer le lecteur dans son univers. L’édition proposée par Glénat est soignée, avec un papier épais qui valorise le dessin.

La représentation des paysage, et particulièrement de la mer, fait l’objet d’un soin tout particulier de la part de l’auteur - ©Guillaume Sorel / Glénat

La poésie étrange qui émane de Bluebells Wood, portée par une véritable virtuosité graphique, entraînera sans peine dans une lecture agréable l’amateur de récits fantastiques.