L’humanité et un jour
Le 9 février 2005
Walsh revisite Joyce et réussit un film brillant et réjouissant.
- Réalisateur : Sean Walsh
- Acteurs : Stephen Rea, Angeline Ball
- Genre : Drame
- Nationalité : Irlandais
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– Durée : 1h53mn
Un jour de juin 1904, Leopold Bloom sort acheter son petit déjeuner, assiste à un enterrement, passe à la bibliothèque, finit dans un bordel et rentre chez lui... et la littérature fait un grand saut dans le modernisme. Une adaptation pour le cinéma brillante et réjouissante.
L’argument : Le matin du 16 juin 1904, Leopold Bloom quitte sa maison et part pour un voyage qui va changer à jamais l’histoire de la littérature moderne. Bloom raconte cette aventure ordinaire et fantastique à travers la conscience, les désirs et l’imagination de Bloom, son épouse Molly et du jeune Stephen Dedalus.
Notre avis : En 1987, John Huston démontrait qu’on pouvait adapter Joyce au cinéma avec l’époustouflant Gens de Dublin. Avec Bloom, Sean Walsh réussit le coup de force improbable de parvenir à porter le vertigineux Ulysse sur grand écran. Et il répond enfin à la question que tous ceux qui ont reposé le livre sans être venu à bout du premier chapitre se posent : De quoi parle Ulysse ? De thèmes universels et éternels, du plus noble au plus trivial : de la naissance et de la mort, de l’amour et du sexe, de l’intolérance et de l’antisémitisme, de la masturbation et du désir, de la défécation et de l’ivresse. Mais Walsh fait surtout éclater l’incroyable humanité du roman à travers l’histoire du discret Léopold Bloom et de sa femme adultère, la subtile Molly, ou comment deux êtres qui s’aiment s’éloignent irrémédiablement à cause du temps et de la perte d’un enfant. Les relations filiales occupent une large part du film et torturent les personnages, qu’il s’agisse de Dedalus, coupable de ne pas avoir prié au chevet de sa mère agonisante, ou de Bloom hanté par la mémoire de son père.
Il ne faudrait pas prendre le film de Walsh pour ce qu’il n’est pas : une transposition d’Ulysse à l’écran. Cela reviendrait à ne lui laisser aucune chance. Qu’on se le dise une fois pour toutes : Ulysse, véritable plongée dans les méandres du langage, appartient à la littérature. Néanmoins, sa trame narrative mérite d’être explorée par le cinéma, ne serait-ce que pour son humanité et son incroyable humour.
Et justement, Walsh exalte l’humour ravageur d’Ulysse. L’épisode surréaliste de "Circé", autrement dit les hallucinations de Bloom et les visions éthyliques de Dedalus réunis au bordel de Bella Cohen, est tout simplement réjouissant. Blottie sous la couette, Angeline Ball livre, avec une jubilation communicative, les fantasmes nocturnes de la très charnelle Molly.
La réussite du film tient à son interprétation remarquable, ainsi qu’à celle de Stephen Rea (Bloom). Elle est également due au fait que Sean Walsh ne cherche jamais à simplifier Ulysse pour le rendre accessible au grand public, mais qu’il ne sacralise pas non plus le texte de Joyce. Certes, la plupart des dialogues sont directement tirés du roman et le procédé des voix off permet de restituer très fidèlement les soliloques des personnages, mais, dans le même temps, Walsh coupe, déplace, invente avec une grande intelligence. Il restitue les procédés et les astuces de Joyce et se les approprie.
Il serait certainement de bon ton de dénigrer Bloom coupable de crime de lèse-majesté. Evidemment, les lecteurs de Joyce regretteront que le parallèle homérique n’apparaisse que de façon anecdotique ou que le film ignore en grande partie les questions politiques. En réalité, ils ne sont guère nombreux ceux qui ont dépassé la page 6, et Bloom aura peut-être l’immense mérite d’inciter tous les autres à se replonger dans Joyce.
Pour aller plus loin :
– Lire notre interview de Sean Walsh
– Consulter notre dossier James Joyce
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