Blacksad . T2 . Artic-nation - La chronique BD

Avec Canales aux baguettes et Guarnido aux pinceaux, Arctic-Nation reprend les recettes qui avaient fait le succès du premier Blacksad et poursuit sa visite du cinéma américain. Le tome 1, Quelque part entre les ombres, rendait déjà hommage au polar des années 40 façon Hawks, à travers l’histoire d’une actrice assassinée. On jouait alors au jeu des références, on décelait Zanuck le producteur en morse furibard, on hésitait sur la star féline ou l’affiche du film qui décorait son bureau.

Dans Arctic-Nation, Canales cite indifféremment les genres et les époques. On trouve des clins d’œil à la blaxploitation en pleine période Ku Klux Klan, on rencontre un vieux pilote de la RAF au milieu d’une conspiration politique. Et les films qui nous traversent l’esprit sont alors légions.

Plus encore que dans le premier tome, Guarnido parvient à prêter à cet impressionnant bestiaire des traits d’une surprenante expressivité. Car les héros de Blacksad sont bien des animaux. A commencer par Blacksad lui-même, le chat détective chargé de retrouver une fillette, dans un décor de haine raciale où les pelages blancs tiennent les rênes du pouvoir et se proclament genre supérieur. Mais on est loin des amis de Mickey : Blacksad est fait de sang, de violence et de sexe, de pouvoir et de trahisons. En résumé, les animaux les plus humains qui soient.

Car à chaque nouveau personnage, à chaque nouveau caractère, on se dit que Guarnido ne pouvait choisir meilleur animal pour l’incarner. Du vieux pilote en pie déplumée et fatiguée, au chef de la police en ours trop blanc cherchant une posture digne de son rang, le dessin semble être d’une évidence imparable. Depuis Quelque part entre les ombres, il a gagné en assurance. Moins d’impressions, plus de choix arrêtés et de traits décidés. Il représente comme rarement le mouvement, ou la rage qui porte cette histoire de bout en bout.

Servi par une mise en scène sobre et bien rythmée, Arctic-Nation parvient à nous faire verser une larme pour une vieille pie, ou nous présente une biche sévère qui a peut-être bien été notre institutrice de maternelle. Et nous demande où sont les fauves, où sont les loups. Et où sont les hommes.