Black Panther : l’homme sans peur - La chronique BD

Daredevil doit quitter New York et demande à Black Panther de prendre sa suite pour protéger le quartier de Hell’s kitchen. Le roi déchu du Wakanda accepte la tâche mais devra apprendre à faire sans les artifices technologiques de son pays. Fraîchement arrivé aux États-Unis, il devra trouver sa voie seul. La tâche est d’autant plus ardue qu’un nouvel arrivant nommé Vlad l’empaleur fait régner le chaos sur le nouveau territoire du félin.

La rencontre entre les univers des super-héros est toujours un exercice délicat et bien qu’il soit devenu monnaie courante, c’est malheureusement trop souvent pour laisser place à des opus mineurs, anecdotiques dans la légende des personnages. On réalise très vite que ce n’est pas le cas ici. L’intrigue s’inscrit parfaitement dans les arcs distinctifs des personnages rencontrés, de Dardevil bien sûr en passant par Luke Cage, Spider-Man ou encore Tornade, la femme de la panthère. De plus, l’application apportée tant au récit qu’à la construction psychologique de T’challa inscrit cet opus comme une vraie référence dans la galaxie Marvel. L’intrigue est prenante et on se laisse surprendre à plusieurs reprises par un scénario brillamment construit. La réussite provient notamment du fait que les auteurs prennent le temps d’installer avant tout une ambiance et de poser un cadre. Par la suite, les différentes aventures s’enchaînent avec fluidité.

Pour notre héros, souvent cantonné au décorum de son pays, le changement de décors fait émerger de nouvelles problématiques. Quel est son rôle dans un pays qui n’est pas le sien ? Est-il à la hauteur de la tâche malgré son absence de pouvoirs ?
On est à Hell’s kitchen, mais on parcourt bien un album de Black Panther, l’iconographie religieuse et la symbolique de la justice prégnante dans Daredevil sont laissées de côté au profit de questions plus sociales. L’attention est portée vers le sujet de l’intégration des minorités et de l’accueil des immigrés, dont T’challa et sa voisine font partie. Vlad l’empaleur est lui aussi un immigré puisque son pouvoir est le résultat de recherches scientifiques initiées par Ceausescu pour contrer Captain America. Le sujet de sa filiation et de son rapport ambivalent au patriotisme en font un méchant particulièrement intéressant.
Dans la seconde partie de l’album, la panthère est confrontée à un mouvement patriote américain porté par un personnage transmettant sa haine aux habitants new-yorkais. Ces manifestions xénophobes prônant la suprématie blanche résonnent étrangement compte tenu du contexte américain actuel. L’opus bascule alors agréablement dans une imagerie rétro faisant référence à la blaxploitation.

L’album est servi par les superbes illustrations de Francavilla qui retranscrit à merveille l’ambiance nocturne de Hell’s kitchen. Le découpage précis et dynamique des nombreuses scènes de combat correspond parfaitement au rythme du récit. Les encrages tout en nuances d’ombres et le traitement de la silhouette féline et aérienne de la panthère sont par ailleurs une véritable réussite.

En le faisant évoluer dans un vrai polar noir, David Liss s’éloigne de la grammaire du personnage et lui donne ainsi une nouvelle épaisseur. C’est bien ce décalage qui fait de L’homme sans peur une œuvre à part dans l’univers de Black Panther. On verrait d’ailleurs d’un bon œil Marvel en faire une source d’inspiration pour une future suite de la saga cinématographique.