Batman à Broadway
Le 25 mars 2024
Le nouveau film d’Iñárritu marque par son étonnante performance, malheureusement mise au service d’une intrigue et de personnages un peu vains.
- Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
- Acteurs : Edward Norton, Naomi Watts, Michael Keaton, Amy Ryan, Andrea Riseborough , Emma Stone, Zach Galifianakis
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h59mn
- Date télé : 1er mars 2023 21:00
- Chaîne : OCS Max
- Titre original : Birdman
- Date de sortie : 25 février 2015
- Festival : Festival de Venise 2014
Résumé : À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego… S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir...
Critique : Alejandro González Iñárritu avait fait de la contraction du temps et de l’espace sa marque de fabrique, avec des narrations entremêlées où le montage alternait les différentes temporalités du récit (Amours chiennes, 21 grammes) ou mettait en relation des zones géographiques très éloignées les unes des autres (Babel).
C’est encore l’affaire de Birdman, et toujours par un jeu de montage particulier, bien qu’apparemment opposé au morcellement savamment orchestré dans ses films précédents. Ici, il s’agit au contraire de donner l’illusion d’une continuité absolue, par le jeu de ce qui apparaît pour le spectateur comme un plan séquence d’1h50 virtuose et déroutant.
Par ce procédé radical, Iñárritu donne encore une fois l’illusion que le temps et l’espace se resserrent autour des personnages, que tout se percute, d’une part les séquences (préparation de la pièce de théâtre, vie en dehors, répétitions, coulisses, représentations), d’autre part les lieux (la scène, les loges, mais aussi le bar d’à côté, Times Square et le toit de l’immeuble), jusqu’à rendre explicite à l’écran l’une des singularités du cinéma, celle de livrer au spectateur une perception subjective du temps qui passe et des lieux où l’on passe.
Le projet enthousiasmant de Birdman semble être de mettre à nu non pas simplement l’élasticité d’un récit ou d’un souvenir, mais celle du vécu, de la vie en train de se dérouler, quand une heure se perd sans qu’on l’ait vue passer, alors que cinq minutes peuvent en paraître dix fois plus. La nuit est joliment figurée par des contre-plongées vers le ciel, qui en un instant s’obscurcit et s’allume à nouveau : on est déjà le lendemain.
Pourtant, en dépit de ces accélérations et ralentissements qu’on perçoit tous, on n’échappe jamais à cette continuité, à ce flot ininterrompu de pensées et de sensations qui constitue notre existence. Iñárritu donne alors le sentiment d’un piège labyrinthique duquel il est impossible de s’enfuir, faisant écho aux détours tortueux de l’esprit de Riggan, qui essaie à la fois d’échapper à l’ombre de sa gloire passée et de se la réapproprier, de redevenir quelqu’un. La mort semble être la seule échappatoire au désordre de la vie et à ce plan séquence interminable.
Malheureusement, la performance (on devait déjà au même directeur de la photographie, Emmanuel Lubezki, les plans extraordinaires de Gravity) prend presque toute la place dans cette histoire pleine de stéréotypes sur Broadway, la vanité des acteurs et la prétention de la critique. On n’est jamais passionné par cette course un peu folle vers la reconnaissance, jamais exalté non plus par les guerres d’égo ou par les sous-intrigues amoureuses convenues.
L’enrobage fantastique du film (présent de la première à la dernière image) permet quelques belles séquences (Riggan suivi comme son ombre par le super-héros qu’il a été, le saccage en règle de sa loge), sans que rien ne soit vraiment mystérieux, la faute à la psychose trop évidente de l’acteur et à une voix off un peu grossière. Reste ce dernier regard de sa fille vers le ciel, comme s’il y avait autre chose, quelque chose de plus poétique que le film n’explorera pas.
En l’état, On est simplement emporté par la cadence infernale du plan-séquence et des solos de batterie qui l’accompagnent, impressionné et essoufflé par le spectacle, sans arriver vraiment à adhérer à cette auto-parodie (Michael Keaton, le Batman des années 90, semble jouer son propre rôle) convenue et un peu vaine. Tout est mis au service du plan-séquence, que le film n’arrive jamais à faire oublier ou à dépasser. La performance est enthousiasmante, mais on ne retient qu’elle.
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Marla 24 février 2015
Birdman - Alejandro González Iñárritu - critique
Bon, vous n’avez pas accroché au film. C’est fort dommage : http://marlasmovies.blogspot.fr/2015/02/birdman-envole-moi.html
birulune 24 octobre 2017
Birdman - Alejandro González Iñárritu - critique
" on n’échappe jamais à cette continuité, a ce flot ininterrompu de pensées et de sensations qui constitue notre existence"
C’est une des plus belles phrases que j’ai jamais entendu
Tout le film est dans cette phrase je trouve. J’ai rarement lu une phrase de critique aussi puissante.