Jubilatoire
Le 30 avril 2020
Série dérivée de Breaking Bad, cette cinquième saison de Better Call Saul confirme qu’elle est aussi brillante que son aînée. Et de se demander comment ont pu germer, dans l’esprit de ses créateurs, autant de personnages et d’intrigues s’imbriquant avec une précision d’horloger ?
- Réalisateur : Vince Gilligan
- Acteurs : Giancarlo Esposito, Bon Odenkirk, Jonathan Banks, Rhea Seehorn
- Nationalité : Américain
- Durée : 5 saisons de 10 épisodes de 45 à 61 minutes
- VOD : NETFLIX
- Reprise: 23 février 2020
- Scénaristes : Vince Gilligan, Peter Gould
- Genre : Drame, Humour, Thriller, Mafia
- Titre original : Better Call Saul
- Date de sortie : 8 avril 2015
- Plus d'informations : Better Caul Saul
Résumé : Spin-off de Breaking Bad, la série suit la vie de Jimmy McGill avant qu’il ne prenne le pseudonyme de Saul Goodman et devienne l’avocat véreux de Walter White.
Note préliminaire : Cet article n’est pas une critique détaillée de la saison 5 de Better Call Saul, mais un rapide tour d’horizon pour celles et ceux qui seraient encore profanes par rapport à cette série, à Breaking Bad (et accessoirement ignoreraient leur chance), à « l’univers » de ces deux sagas. Oui, un peu comme chez Marvel, mais en nettement plus subtil.
Question préliminaire : Si je n’ai pas vu Breaking Bad, puis-je m’embarquer dans Better Call Saul ? Autant nous demander si on peut regarder la saga Star Wars chronologiquement, au lieu de l’ordre de sortie en salle qui, rappelons-le, commençait par le milieu. Sauf si vous aimez qu’on spoile, la réponse est donc non. En conséquence, oui (vous suivez ?), il est impératif d’avoir vu Breaking Bad avant.
Et là, vous vous dites : « flûte, je n’ai pas vu Breaking Bad ». Alors, soyez fous : profitez encore du confinement pour gloutonner ses 62 épisodes ! Outre le fait que c’est une des meilleures séries de ces dernières années, son pitch, aussi simple que diabolique, vous embarquera dans un récit ahurissant et ce fameux univers. Walter White, professeur de chimie dans un lycée à Albuquerque (Nouveau-Mexique), se fait diagnostiquer un cancer avancé du poumon. Suite à un étrange hasard, il va créer un laboratoire de fabrication et trafic de méthamphétamine, pour financer sa chimiothérapie, et assurer la sécurité financière de sa famille après sa mort (saloperie de cancer…). Il va cacher ses activités à tout le monde, à commencer sa femme, et inévitablement croiser des gens peu sympathiques, vu que le Mexique est en face ; inutile de vous faire une explication de gravure, nous sommes d’accord ?
Comment cet ordinaire père de famille va-t-il alors évoluer ? Une partie de la réponse repose sur la performance de Bryan Cranston (quatre Emmy Awards sur cinq saisons, excusez du peu) en Walter White, un personnage à la psychologie quasi insondable, sorte de Don Draper(*) de la came. Oui, la came et sa foutue addiction, comme celle provoquée par la scotchante séquence pré-générique du premier épisode, premier shoot fatal de la soixantaine à suivre. Partant, le « danger » de Breaking Bad réside justement dans sa savante chimie d’écriture, ses intrigues et arcs narratifs, en molécules solidement tenues pour livrer une substance stable et sans la moindre faille sur cinq saisons, avec final vertigineux. Créée en 2008, la série propose en plus, pour l’époque, une réalisation inédite qui n’a pas pris une ride, s’inscrivant dans les sillages des frères Coen, de Tarantino, Scorsese ou Coppola.
- C’est ça, et ma grand-mère fait du vélo sans les mains… »
- Copyright tmdb
Enfin, et surtout, Breaking Bad, c’est une vaste classification périodique d’éléments, pardon, ce fameux univers de personnages gravitant, de près ou de loin, autour de Walter, tous développés et nourris, mais avec des zones d’ombre, même si quelques flashback ou séquences intermédiaires nous éclairent : d’où viennent-ils ? Pourquoi sont-ils ainsi ? Quelles sont leurs vraies motivations ? Profitant probablement de cette riche matière à explorer, Vince Gilligan et Peter Gould, les créateurs de la série, ont imaginé de raconter un « avant » Breaking Bad, en se concentrant sur un des personnages culte : Saul Goodman, un avocat haut en couleur (rien que ses tenues et son bureau valent le détour) qui « aide » Walter. AMC, coproducteur avec Sony Pictures Television et diffuseur de Breaking Bad, traînant des pieds pour valider l’idée, c’est Netflix, sentant le bon coup, qui a sorti le carnet de chèques et débloqué le projet. Bien leur en a pris, à la fois pour leur catalogue - surtout en ce moment - très rentable, et le plus grand bonheur des fans de Saul Goodman, mais aussi de Mike Ehrmantraut, Gustavo Fring ou des Salamanca. Les Salamankoi ?
- Jimmy McGill !
- Qui ça ? »
- Copyright tmdb
Voilà donc pourquoi il faut avoir vu Breaking Bad avant Better Call Saul. Histoire, par exemple, d’apprécier et de comprendre tout simplement la séquence pré-générique du premier épisode de la première saison, qui, comme dans Breaking Bad, provoque un shoot avec son même effet fatal. C’est précisément une des trouvailles de la série : ouvrir régulièrement chaque épisode avec une situation « post »-Breaking Bad, créant ainsi une tension supplémentaire à celles des intrigues avant Breaking Bad. Vous sentez la subtilité ?
De fait, mécaniquement, Better Call Saul est aussi tordu et jouissif que son aînée. Comme nous évitons de spoiler, on se contentera de résumer les quatre premières saisons, à savoir comment et pourquoi un dénommé Jimmy McGill devient avocat et va traiter sa première grosse affaire. Rien que ça, c’est un poème, on vous le garantit ! Comment il rencontre sa compagne, également avocat ? Pourquoi il a ce tempérament de baratineur, de margoulin, tiraillé entre vouloir faire bien et irrépressiblement adopter des attitudes toxiques ? Et enfin, pourquoi il devient Saul Goodman et va croiser (ou pas) Mike, Fring ou la joyeuse confrérie des Salamanca ? Pour ne citer qu’eux.
- Griinngo, tou allète ton noumélo… ! »
- Copyright Lewis Jacobs/Netflix
Comme pour Breaking Bad, ses créateurs, en chefs étoilés, appliquent et enrichissent leur recette. D’abord, une écriture d’une précision suisse, portée par une charte de réalisation truffée de références et citations (on repense à ce jubilatoire clin d’œil au All That Jazz de Bob Fosse, sorti en 1979), traduisant surtout un art consommé de l’ellipse et du montage déstructuré. Complétez avec une bande-son mêlant classique, pop, techno, rap ou jazz (sur Deezer, on trouve une playlist de presque huit heures). Servez chaque épisode avec un générique expédié et amputé, mais à chaque fois jouissif, comme, par exemple, un simple plan d’une carte de visite de Saul Goodman dans une pissotière. Ajoutez une parfaite reconstitution du début des années 2000, avec en particulier ses téléphones à clapets et cabines téléphoniques. Mais l’ingrédient principal de ce festin est l’interprétation alternant retenue et logorrhées en roue libre, de Bob Odenkirk en Jimmy McGill / Saul Goodman, personnage à la psychologie quasi insondable, sorte de Don Draper du droit véreux. Oui, on reboucle. Car c’est toute l’intelligence de cette série, son imparable cohérence de construction, avec ses éclairages sur le futur. Donc, Breaking Bad.
- Nooon, Jimmy… ! »
- Copyright AMC
Cette cinquième saison monte sévèrement en puissance. Saul Goodman est enfin « déclaré » et ses méthodes deviennent encore plus douteuses. On n’en dira pas plus. En revanche, on soulignera les performances du reste du casting : Jonathan Banks indéboulonnable et imperturbable Mike ; Rhea Seehorn dans la peau de Kim, la plus que surprenante compagne de Saul (et fort à parier que la suite nous réserve de sacrées surprises) ou Giancarlo Esposito, en calme et glaciale incarnation de Fring. Les dix épisodes s’achèvent sur un double suspense, marchepied évident vers plus de côtés obscurs, rendant dès lors insupportable l’attente de la sixième et dernière saison, boucle inexorable avec le début de Breaking Bad… et la possible résolution d’une situation post, plus que tendue, instillée depuis le début.
- C’est tout ?
- Oui. »
- Copyright Nicole Wilder/AMC & Sony Pictures Television
Du coup, on se mettrait presque à rêver d’une autre série, cette fois « post »-Breaking Bad (mettons de côté El Camino, film diffusé l’an dernier par Netflix et AMC, sur le destin de Jesse ; c’est qui ? Et au fait Skyler… ? On répète, regardez Breaking Bad), un gros trip badass final pour fans, comme le Star Wars de la dope à Albuquerque qui, au passage, doit être probablement la ville la plus connue du Nouveau-Mexique au monde, un peu la Tatooine de la meth, quoi.
(*) Don Draper, c’est qui ? Heu… ? Très cher lecteur, nous vous autorisons à quitter sur le champ ce site, pour regarder le premier épisode de la série Mad Men (2007/2015, AMC, et oui, encore…), dont la séquence finale vous laissera bouche bée. 1960 : Don Draper, le « héros », est un génie de la publicité à New York, un type au charisme inouï, charmeur, mais surtout parfait menteur, imposteur, manipulateur, bref un élégant et brillant enfoiré. Si vous plongez, rendez-vous après les 92 épisodes de cette autre série majeure de l’histoire, couverte de prix, virtuose fresque du « american way of life » s’étalant sur dix ans.
La rédaction décline toute responsabilité en cas d’intense binge watching et donc abandon du télétravail, oubli des devoirs des enfants, etc.
Partant du principe que vous ne savez éventuellement rien ni de Breaking Bad et/ou ni des précédents épisodes de Better Call Saul, nous ne publions que la bande-annonce de sa première saison. Quasiment sans spoiler.
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smart53 27 avril 2020
Better Call Saul - la critique de la série (S5)… surtout pour néophytes
Tout à fait d’accord avec cet article qui résume à merveille ce petit bijou,j’en suis presque à le préférer à Breaking bad ou à Fargo, c’est dire...