Bêtement beau
Le 23 décembre 2021
Si Belle concentre tout ce qui a fait la renommée de son réalisateur, le scénario, dont Mamoru Hosoda est également l’auteur, se trouve ici moins abouti que ceux de ses précédents films. Frustrant.
- Réalisateur : Mamoru Hosoda
- Acteur : Louane Emera
- Genre : Animation
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 2h02mn
- Titre original : Ryu to Sobakasu no Hime
- Date de sortie : 29 décembre 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Dans la vie réelle, Suzu est une adolescente complexée, coincée dans sa petite ville de montagne avec son père. Mais dans le monde virtuel de U, Suzu devient Belle, une icône musicale suivie par plus de 5 milliards de followers. Une double vie difficile pour la timide Suzu, qui va prendre une envolée inattendue lorsque Belle rencontre la Bête, une créature aussi fascinante qu’effrayante. S’engage alors un chassé-croisé virtuel entre Belle et la Bête, au terme duquel Suzu va découvrir qui elle est.
- Copyright 2021 STUDIO CHIZU
Critique : Sans doute Mamoru Hosoda est-il le véritable héritier cinématographique de Hayao Miyazaki. Hommage à l’enfance et quête de soi, dimension fantastique, manifeste écologique et réflexions sur les rapports humains dans la société contemporaine, sans oublier une certaine fascination pour les nouvelles technologies. Voilà tout ce que nous retrouvons dans Belle, le nouveau film du papa d’Ame et Yuki, les enfants loups.
Ce qui fait la singularité des films de Hosoda, c’est l’extraordinaire densité de ses intrigues et de ses mondes secondaires (Summer Wars, Le Garçon et la Bête), qu’il est toujours parvenu à maîtriser de bout-en-bout. Enfin, jusqu’à maintenant.
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L’intrigue se déroule principalement sur U, un réseau social comptant plusieurs milliards d’utilisateurs, sans que l’on comprenne vraiment les raisons de son succès. En effet, U se définit, au sein du récit filmique, comme un monde virtuel dont le développement et l’organisation ne semblent pas importer au cinéaste. Avec une technologie biométrique capable de littéralement virtualiser ses membres, les promesses de U, en termes d’intrigue et de mise en scène, étaient immenses, et ce dès la séquence d’ouverture du film.
Pourtant, sur un long-métrage de deux heures, Mamoru Hosoda n’en fait, pour ainsi dire, rien. Trois lieux à peine servent de cadre au déroulement du récit : un grand et vaste espace fait de buildings, au sein duquel flottent les avatars, une arène où l’on joue à la bagarre et un château vétuste dans lequel vivent reclus La Bête et diverses petites créatures. C’est bien mince et creux pour un réseau social qui se targue d’être leader du marché.
Et si finalement ce dernier n’était qu’un prétexte pour permettre à Hosoda de montrer, sans n’avoir plus rien à prouver, ses talents de réalisateur ? Car il faut bien reconnaître que sa direction artistique est aussi éblouissante que revigorante ! Graphiquement irréprochable, s’inscrivant dans la tradition du layout japonais tout en étant résolument moderne dans les séquences se déroulant au sein de U, la mise en scène est également servie par un montage dynamique.
Mais le scénario, ayant le tort de vouloir aborder trop de thèmes à la fois, se perd dans sa narration.
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Il y est question de deuil, d’affirmation de soi, des méfaits d’Internet, de solidarité, d’amitié, d’amour…
Toutes ces ficelles narratives s’enchaînent parfois sans transition, se relaient et s’entortillent jusqu’à montrer des références explicites. D’aucuns remarqueront l’hommage grossier de l’histoire au classique Disney La Belle et la Bête, à travers l’aventure des deux protagonistes, et une séquence de danse au milieu d’un ciel étoilé pouvant presque s’apparenter à du plagiat. Une ultime thématique brûlante, dont on ne dira rien ici, au risque de spoiler le film, arrive comme un cheveu sur la soupe aux trois quarts du récit, alors même que, constituant le nœud de l’intrigue, elle aurait mérité un traitement beaucoup plus approfondi. Ainsi, il manque au scénario une certaine hégémonie.
D’une durée conséquente de cent-vingt-deux minutes, Belle est une fable maigre qui tourne un peu rond, enveloppée dans un film en surpoids dont seule la mise en scène virtuose marque celles et ceux qui le regardent.
Mamoru Hosoda n’en demeure pas moins un grand réalisateur. N’ayant pratiquement fait que des chefs-d’œuvre depuis La Traversée du temps en 2006, nous lui pardonnons ce faux pas, non sans garder un goût de déception amer dans la bouche, l’œil et l’esprit.
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