Before Sunset - Richard Linklater - critique

Critique : On avait laissé les amoureux viennois sur leurs belles promesses, dans une urgence amoureuse calée avant le lever du soleil avec Before sunrise [1]. Dix ans plus tard, les contrats sentimentaux n’ont pas été tenus, les héros ont pris des rides, et quelques coups de lames sur le cœur, bien aiguisées, assez tranchantes pour laisser des traces. Les lumières vespérales de Paris adoucissent tout, de la première "nouvelle rencontre" embarrassée dans une librairie du Quartier Latin, à la montée d’un désir insoutenable à mesure que les amants gravissent les marches d’un escalier en fin de film. D’amour, il n’est question que de ça dans Before Sunset, de rencontres ratées, de retrouvailles émues, de déceptions romanesques, de balades romantiques, de poèmes dédiés à de plus beaux lendemains, entre les bateaux mouches voguant sur une Seine idéale et sous ses ponts qui brillent, ou un appartement niché au fond d’une cour bouffée par les lierres - on y prépare une fête où l’on s’enivrera pour célébrer l’or du quotidien, caresser quelques espoirs utopiques, oublier le sang noir qui parfois coule dans les veines.
Foutaises amoureuses : Before Sunset est un film fragile, reposant sur des étincelles de rien, quelques discussions filmées en plan-séquence dans la capitale, chopées au coin de la rue ou sur un banc dans un parc. Mais derrière ces bagatelles se cache l’essentiel, une électricité amoureuse qui renaît, un électrochoc sur les poitrines endormies, et un éveil inespéré, un jour comme les autres, des heures miraculeuses. Lui s’est marié, et a traversé son lot de désillusions, sécurisé mais éteint. Elle tient toujours debout, aurait bien pu se balancer par la fenêtre, trouver un substitut voluptueux pour oublier son béguin chimérique, mais a finalement attendu, sans le savoir. La vie et l’art s’embrassent tout comme le réel et l’imaginaire, des photos de Julie Delpy deviennent celles de Céline, les chansons de son album, pop mélancolique ou sucrée, glissent sur la langue et la guitare de son personnage. Une dernière valse. Lorsque Nina Simone résonne, les amants d’hier se font face, et pensent à ce qui adviendra lorsque le crépuscule pointera à l’horizon. En un dernier fondu, les interrogations restent en suspens, amours impossibles et laissées en pointillés, ou olympe amoureuse enfin atteinte, au bout d’un long voyage. Après les lassitudes et les blessures des jours, Before Sunset joue sa mélodie discrète, et donne goût à un certain bonheur.