Barbecue marseillais - La chronique BD

Marseille est une ville bien particulière en France. Non contente d’avoir un grand patrimoine historique, la cité phocéenne est aussi, en quelque sorte, notre Gotham City. C’est une ville qui nourrit l’imaginaire notamment autour de deux grands sujets, la politique et, celui qui nous intéresse ici, le grand banditisme.

Barbecue Marseillais c’est la confrontation entre la vieille mafia marseillaise, et la grande délinquance de banlieue. Cependant, Corbeyran a intelligemment déconstruit les clichés. D’un côté, François Manzoni l’ancien bandit est un fugitif. Un planqué qui ne fait pas de vague. Ses seuls amis sont ses anciens complices. On est loin de d’un méchant de James Bond qui séjourne dans des palaces et fait des soirées sur son yacht entouré de magnifiques femmes. De l’autre côté, Zinedine le jeune marseillais n’est pas caricaturé comme souvent dans les productions. Au contraire il est vif, n’est pas tourné en ridicule et met en avant la réalité des jeunes de quartier entourés de délinquance mais qui cherchent à s’en sortir. Dans l’ensemble, l’album se veut plutôt réaliste, c’est ce qui constitue à la fois sa force et sa faiblesse.

© Hachette Livre 2018

Des deux héros, Manzoni est le mieux construit et l’histoire gravite rapidement autour de lui. On en apprend plus sur sa philosophie de vie, sur comment il a échappé à la justice, il est le pilier de l’album. Zinedine gravite autour de lui et laisse une impression d’incomplet, comme s’il manquait un peu de profondeur. Le respect qu’il porte à l’ancien malfrat l’efface un peu du récit. L’ensemble en revanche est bien ficelé et nous entraîne dans une intrigue haletante de la première à la dernière page. Le dessin de Manuel Garcia est élégant et joue beaucoup sur les ombres pour donner du relief et les tons bleus, ocres et noirs accentuent le côté sérieux de l’histoire. De nombreux détails fourmillent dans les pages, on remarque par exemple l’apparition du Carrefour du Merlan, un quartier bien connu de Marseille.

© Hachette Livre 2018

L’album reste cependant en demi-teinte car s’agissant d’un one-shot, la fin de l’histoire marque plusieurs déceptions. Plusieurs éléments de scénario sont survolés et manquent d’approfondissement, on aurait par exemple aimé voir un peu plus du milieu des jeunes délinquants de cité, en apprendre un peu plus sur Zinedine, sur sa psychologie. De nombreux éléments restent sans réponses et créent un sentiment mitigé car l’album étant prenant, on aimerait en lire plus. C’est là que le titre prend tout son sens, l’album reconstitue un barbecue marseillais pour ce qu’il est : un fait divers.