Bad times

Un polar scorsesien et bien méchant, transcendé par Christian Bale, impérial.

L’argument : Vétéran de la guerre du Golfe, Jim Davis a été profondément marqué par l’horreur des combats. A bout de ressources, il attend d’être appelé au sein de la police de Los Angeles, où un poste lui avait été promis. Si seulement il avait un boulot, il retrouverait son équilibre et sa vie aurait à nouveau un sens.
Jim n’a qu’un seul réconfort au milieu de cette galère : son meilleur copain, Mike, également chômeur. Jim offre à Mike de l’aider à trouver un job, mais leur quête prend rapidement des allures de virée infernale dans les rues chaudes de South Central.
Après avoir vu se refermer devant lui les portes du L. A. P. D., Jim accepte de travailler pour les services de la Sécurité du Territoire. Ses virées avec Jim dans les bas quartiers deviennent de plus en plus violentes et dramatiques. Une nouvelle guerre commence...

Notre avis : Pour peu qu’on ne soit pas échaudé par un résumé scénaristique annonçant sans chichi sa couleur noire, force est de reconnaître qu’on a l’impression familière de voir un énième film hanté par le spectre des premiers Scorsese. On a raison, mais pas totalement. Contrairement aux apparences, Bad times n’est pas un divertissement frivolement calibré selon les us et coutumes d’un buddy movie US qui fonctionne sur les disparités des deux personnages principaux, ici ouvertement décrits comme des losers. Le film se donne la peine de creuser plus profond que ça en proposant une plongée contemporaine et infernale dans Los Angeles, cité putride naguère sublimée par Mann ainsi qu’une réflexion sur les conséquences de la guerre sur n’importe quel individu lambda et sa réinsertion sociale. Pour Scorsese, c’était la guerre du Viêt-nam (Taxi driver) ; pour Ayer, c’est la guerre du Golfe.
Certes, le programme n’est pas nouveau mais le réalisateur David Ayer n’agit pas par opportunisme : connu pour être le scénariste de Training day où là aussi les lois du manichéisme en prenait pour leur grade, il s’est inspiré de sa propre vie à South Central et de celle de ses potes d’adolescence pour rédiger le scénario du film dix ans avant. Il sait de quoi il parle et connaît ce qu’il filme. C’est pour cette raison que le chaos urbain de la cité des anges (cela en devient ironique) est aussi bien retranscrit avec ses exactions impunies et ses pourritures qui prétendent agir au nom du bien. L’ensemble, violent et crépusculaire, est accompagné d’une bande-son hip-hop old school qui transpire l’essence bad guy. Il doit beaucoup de son intensité au duo d’acteurs : Freddy Rodriguez, révélation de Six feet under, qui n’en finit plus de monter ; et surtout Christian Bale, qu’on ne peut décemment plus ignorer et qui, pour finir les analogies avec l’univers scorsesien, possède l’intensité de Robert De Niro à sa grande époque. Dit comme ça, ça ressemble à un dithyrambe gratuit. A l’écran, ça impressionne.