Le 25 décembre 2018
En à peine plus d’une heure, ce film fait le portrait acerbe d’une arriviste que Barbara Stanwyck incarne avec toute la froideur nécessaire.
- Réalisateur : Alfred E. Green
- Acteurs : Barbara Stanwyck, George Brent, Donald Cook, Henry Kolker, Alphonse Ethier
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h12mn
- Date de sortie : 17 novembre 1933
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Après la mort de son père dans l’incendie d’un bar minable qu’il tenait dans le sud des USA, Lily Powers écoute les conseils d’un client qui l’encourage à quitter la ville et à utiliser les hommes pour réussir au lieu d’être utilisée par eux. Débarquée à New York, elle se fait engager dans une banque et gravit les échelons de la hiérarchie, en même temps que les étages du building, en séduisant les hommes, du chef du personnel au directeur, les renvoyant au fur et à mesure qu’elle n’en a plus besoin.
- © Warner Bros. Tous droits réservés.
Notre avis : Baby Face fait partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le « Pré-Code », c’est à dire cette période avant que le code Hays ne censure et n’impose ses règles d’airain concernant la morale. À ce titre, il est plus libre que ne le seront les productions suivantes, et peut se permettre un portrait acerbe, celui d’une femme, Lily, qui parvient aux sommets grâce à un art consommé de la séduction. Certes, le spectateur lui trouvera aisément des excuses puisque Alfred E. Green, dont la longue et prolifique carrière nous est peu connue, la présente d’abord dans un environnement sordide, un bar tenu par son père où les clients vulgaires accumulent les gestes déplacés. Un seul sort du lot, un cordonnier érudit, grand lecteur de Nietzsche, qui lui promet un avenir meilleur si elle prend conscience de sa force. Car, si elle a la répartie facile, Lily reste prisonnière de l’établissement et d’un père qui n’hésite pas à la prostituer pour garder son établissement ouvert. On serait en plein mélo si le film, et c’est sa force, n’optait pour la sécheresse et le ton goguenard, dans lequel Barbara Stanwyck est parfaitement à l’aise.
Un accident, la mort du père et, en dix minutes, la voilà propulsée à New York, mettant en application la leçon de Nietzsche qu’elle lira plus tard : « évite tout sentiment ». Ainsi couche-t-elle avec un employé des chemins de fer pour voyager clandestinement, puis séduit-elle ceux d’une banque afin d’y gravir les échelons, visant toujours plus haut, ce que le film traduit par la métaphore (la caméra grimpe les étages au fur et à mesure de son ascension) et la concision (les ellipses sont légion). D’où une impression de facilité et de rapidité qui correspond à la trajectoire de Lily. Il faut dire que les hommes qu’elle rencontre sont tous du même modèle et, que ce soit en montrant ses jambes ou en jouant la fragilité, elle parvient sans peine à les ensorceler. Même un drame (un de ses amants en tue un autre) n’est pas un obstacle, et elle retourne la situation en sa faveur, passant sa difficulté au chantage.
On pourra déplorer une fin assez conventionnelle et imposée par les studios (il y avait des limites à l’immoralité). Néanmoins, Baby Face (sorti en France sous le titre Liliane) dévoile un monde abrupt dans lequel toutes les armes sont bonnes pour une réussite qui ne peut équivaloir qu’à de l’argent. Lily se moque du respect ou des sentiments, elle veut sa revanche, l’opulence financière, et peu importe que sa route soit jonchée de cadavres ou de désespérés. À vrai dire, et encore une fois si l’on excepte la toute fin, on a rarement vu de portrait aussi acide et froid au cinéma : on pense à d’autres, comme Un si doux visage d’Otto Preminger (1952) ou à la même Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort de Billy Wilder (1944), mais le point de vue y était celui d’un homme, le héros qui se perd. Ici, c’est bien Lily qui mène le bal et que l’on suit, elle qui se compose un masque dénué de sentiment, impassible. Elle qui a compris comment fonctionne le monde, sans scrupules, et utilise ce savoir. À ce titre, mais aussi grâce à une mise en scène d’une redoutable efficacité, Baby Face est une belle découverte.
- © Warner Bros. Tous droits réservés.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.