Le 23 mars 2024
Après l’odyssée pleine d’espérance et d’enthousiasme Sur l’Adamant, Nicolas Philibert installe sa caméra au cœur de l’hôpital psychiatrique Esquirol dans une unité réservée aux patients du centre de Paris. Plus qu’une réussite, ce documentaire est un témoignage flamboyant d’humanité.
- Réalisateur : Nicolas Philibert
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h23mn
- Date de sortie : 20 mars 2024
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Averroès et Rosa Parks : deux unités de l’hôpital Esquirol, qui relèvent - comme l’Adamant - du Pôle psychiatrique Paris-Centre. Des entretiens individuels aux réunions « soignants-soignés », le cinéaste s’attache à montrer une certaine psychiatrie, qui s’efforce encore d’accueillir et de réhabiliter la parole des patients. Peu à peu, chacun d’eux entrouvre la porte de son univers. Dans un système de santé de plus en plus exsangue, comment réinscrire des êtres esseulés dans un monde partagé ?
Critique : D’abord, c’est une vision depuis le ciel des bâtiments immenses qui composent l’hôpital spécialisé Esquirol, situé en bordure du bois de Vincennes. Vu de haut, l’ensemble immobilier, où alternent espaces boisées et bâtiments anciens, semble majestueux. Mais il faut se rapprocher, aller au milieu des unités psychiatriques pour découvrir les murs hantés par des formules étranges et voir ces malades anéantis par la douleur et les médicaments déambuler dans les allées grillagées. Averroès & Rosa Parks prolonge le voyage entrepris par Nicolas Philibert dans les institutions consacrées aux soins psychiatriques. Il y a un an sortait le formidable Sur l’Adamant qui présentait des patients vivant en milieu ordinaire et venant se ressourcer sur une péniche thérapeutique de Paris. Il installe sa caméra au sein d’un hôpital, un ancien asile où précise un médecin, les aliénés n’étaient pas toujours soignés et y rentraient sans connaître les perspectives de sortie. L’équipe médicale travaille tout au contraire à des projets de réinsertion, même si le poids de la maladie mentale semble trop lourd pour assurer la sécurité psychique et physique des personnes.
- Copyright Les Films du Losange
Comme dans le premier volet, ce qui est formidable dans le regard de Nicolas Philibert, demeure son goût immodéré pour les personnes. Il y a d’un côté les médecins, des femmes et des hommes passionnés, qui prennent le temps d’écouter leurs malades jusqu’à l’intérieur de leurs délires. Il y a de l’autre les patients, des hommes surtout, assommés par la folie, privés de logement, sans travail, et surtout hantés par la souffrance. On est loin des images d’Épinal des hôpitaux psychiatriques où dormiraient des monstres qui n’attendent que de sortir pour assassiner les gens ordinaires. La psychiatrie, c’est avant tout un espace médical en faveur de individus qui ont mal, peinent à vivre, avec des délires, des hallucinations qui pèsent malgré eux sur leur désir d’autonomie. La maladie psychiatrique est l’exemple même de ce qu’on nomme le handicap invisible. Méprisés par celles et ceux qui ne souffrent pas de ces pathologies terribles, ils vivent dans ces institutions médicales, faute de dispositifs à l’extérieur susceptibles de les soutenir.
"Averroès & Rosa Parks" est le nom de l’unité psychiatrique réservée aux patients des arrondissements du centre de Paris. Comme quoi, la maladie mentale ne s’arrête pas à la frontière des quartiers chics. Les équipes soignantes s’adaptent à tous les patients, et tentent dans des ateliers collectifs d’organiser des débats de haute voltige. Mais les délires rattrapent vite les patients qui s’égarent dans leurs réalités particulières. Le reste du documentaire est composé d’entretiens individuels entre les médecins et les patients. Il n’y a aucune velléité de voyeurisme ou de surmédicalisation. Au contraire, ces échanges tentent de faire surgir l’humanité de ces gens, au-delà des troubles dont ils souffrent. Peu de discussions ont trait aux médicaments, à la nature des maladies, sans doute par souci de respect du secret médical. On découvre que des familles d’accueil participent aux soins de malades psychiatriques incapables d’être autonomes, et que des Associations comme l’œuvre Falret s’engagent pour les recevoir dans des structures adaptées. Quand soudain, au milieu d’un entretien, surgissent des cris de détresse rappelant la monstruosité qui habite ces patients.
- Copyright Les Films du Losange
Averroès & Rosa Parks a été salué au dernier Festival de Berlin. En ce sens, voilà un film simple, qui prend le temps, et réhabilite la parole fracturée de malades. On perçoit évidemment que le retour à la vie ordinaire sera compliqué. En tous les cas, il faut des aventures cinématographiques comme celle-ci pour mesurer le courage et la beauté des soignants, en faveur de personnes dont on se soucie peu. Le film rend hommage à l’engagement des hôpitaux, au service public, et, en ces temps de disette de crédits publics, ce type de documentaire trouve plus que jamais sa place sur nos écrans.
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