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Le 6 novembre 2002
Bouleversant récit d’une funambule de la mémoire, histoire d’un amour en allers-retours entre la Suisse et l’île de l’amant.
Bouleversant récit d’une funambule de la mémoire, histoire d’un amour en allers-retours entre la Suisse de Catherine Safonoff et l’île de l’amant, Au nord du Capitaine ou comment traverser la vie les yeux grands ouverts.
Elle habite au nord et c’est sur une île sertie dans la mer Libyenne qu’elle a rencontré celui qu’elle appelle le Capitaine Rouge, capitaine parce qu’ancien marin, rouge parce que couleur de l’éblouissement. Un lascar pas trop recommandable, repris de justice pour faits de contrebande, profiteur comme pas deux et "formidablement de l’autre sexe".
La narratrice a trop de bon sens pour s’encombrer à demeure d’un amant de cet acabit, cependant, sans cesse elle revient à lui pour des séjours sur l’île ou pour de catastrophiques voyages à deux. Qui est-elle, cette femme du nord, tiraillée entre deux ports d’attache, fildefériste de la mémoire d’un amour qu’elle distille en souvenirs fragiles mais précis, souffles engrangés et redistribués au gré du va-et-vient des réminiscences ? Un double de l’écrivain genevoise Catherine Safonoff, sans nul doute, dont c’est le cinquième livre - cinq seulement en vingt-cinq ans d’écriture -, magnifiquement abouti.
Catherine Savonoff raconte (ou se souvient, peu importe), en allers et retours géographiques, fait fi de la chronologie des événements, malaxe son sujet pour revenir aux moments de bonheur, la rencontre sur l’île "où le hasard s’illumine" un soir de fête, tout comme aux moments de crise tel ce calamiteux voyage à Gap où on la découvre capable des pires extrémités.
Au-delà de la narration pure, le texte regorge d’une foule de petits détails terre-à-terre. De ces minuscules choses de la vie qui nourrissent celle qui sait avancer les yeux grands ouverts et emmagasiner sans cesse : le joyeux foutoir de la maison tanière et refuge, le chat qui prend ses aises, les pissenlits envahissants, la barrière vermoulue, les pétales du pommier en averse dans ce nord où la pluie est omniprésente, répondant à l’élément liquide qu’est la mer de l’île et à la description que fait du Capitaine Rouge une femme de là-bas : "C’est l’eau dans l’eau."
Remontent aussi des blessures qui jamais ne se refermeront. Le père mourant, emprisonné dans un lit d’hôpital à barreaux. La mère qui ne lui a offert que froideur. "Celui ou celle que la table de sa mère n’a jamais rassasié aura toujours faim. Tant pis et tant mieux", conclut-elle de manière laconique et déchirante, acceptant de s’interposer entre celle qu’elle appelle "la vieille dame" et la mort. N’est-ce pas la même chose, en réalité, qu’elle a demandée au Capitaine Rouge ?
Ainsi va le soliloque de la narratrice, parlant à son chat, parlant au lézard d’un tableau de Lorenzo Lotto, parlant au lecteur, triant et diluant le présent, le mettant "de côté pour quand il n’y en aura plus", jusqu’à l’apothéose du chapitre "Dans la forêt" qui clôt le livre de façon poignante et inattendue, par le hasard d’un cahier abandonné. Et qui éclaire de façon fulgurante la vision qu’a Catherine Safonoff du rôle de l’écrivain. Elle que l’on n’a jamais vu écrire tout au long du récit devient d’un coup passeur de frontières invisibles. Affrontant avec panache l’angoisse de la disparition, celle qui disait : "Je me souviens, et me souviens, et me souviens. Un jour j’aurai fini de me souvenir et ce ne sera pas beau ni bon", devient l’émule du Capitaine Rouge : une contrebandière... mais de sa propre histoire.
Catherine Safonoff, Au nord du Capitaine, Zoé, 2002, 227 pages, 18,80 €
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